Joue posée contre le marbre, ton regard se perd dans le vide un instant tandis que tu te perds toi-même dans tes pensées. Tu soupires d'aise, si la fraîcheur de la pierre ne t'aide pas à ordonner tes idées, elle est la bienvenue.

- C'est décidé ! Je vais le faire ! Avant la nouvelle année, je me serais déclarée ! Proclames-tu en te redressant d'un d'un coup, soudainement mue par une détermination nouvelle.
- Ahaha ! J'aime ce que j'entends, Faustie ~ Un verre vient s'entrechoquer légèrement au tien. Tu rends le toast et sirotes ta boisson tandis que ton interlocuteur reprend la parole. T'inquiètes pas, avec les conseils de Dr Love Kahuna, c'est dans la poche ma grande.

Tu observes Adríel un instant, tes yeux sombres se plantent dans ses prunelles aux reflets d'or. Dans une situation normale, la remarque lui aurait valu un bon coup de pied aux fesses mais la situation n'a rien de normal, présentement… Et te voilà en train de donner l'accolade à Adríel.

- T'es vraiment un frère !

Oui… Tu es en train de donner l'accolade à l'une des personnes qui t'insupporte certainement le plus sur ce fichu archipel. Comment en es-tu arrivé là ? Il faut remonter plusieurs heures en arrière.

Tout cela est dû à un cadeau et un hasard tout à fait fortuit.


Il y a des jours, où on ferait certainement mieux de rester au lit. C'était un de ces jours-là. Une journée où rien ne va comme tu veux. Ça a commencé avec une panne de moto, pile le jour où tu projetais de te rendre aux galeries Diancie. Te voilà donc obligée de prendre les transports en commun, chose qui ne t'enchante guère. Toi qui ne supporte pas la foule, te voilà doublement servi aujourd'hui.

Qu'est-ce qu'on ne ferait pas pour une paire de jolis yeux bleus, hein Faust ?

Parce que c'est bien pour Merry que tu te retrouves à faire du lèche-vitrine dans le plus grand centre commercial de Novabi. Et malheureusement rien ne trouve grâce à tes yeux. Pourtant ce n'est pas les idées qu'il manque. Il y a pourtant de tout dans ces Galeries.

Mais rien d'assez symbolique…

Tu soupires. Cette simple pensée suffit à te rendre encore plus irascible. Tu sais que tous les bijoux, tous les parfums et toutes les fleurs ne suffiront pas. C'est trop cliché de toute façon.

Il suffit de quelques mots…

C’est pas si difficile tout en étant une épreuve. Tu as essayé plusieurs fois, prétextant toujours que ce n’était pas le bon, pas la bonne situation. Sauf que…

Le moment parfait ne se présentera pas tant que tu ne le provoqueras pas.

La pensée te fait soupirer tandis que l’agacement te gagne. Pourquoi es-tu si terrifiée à l’idée de lui dire ce que tu ressens ? Tu pensais avoir fait des progrès durant ces derniers mois mais force est de constater que tu en es toujours au même stade. Malheureusement le temps joue contre toi. Parce qu’une fois qu’arrivera la nouvelle année…

- Fausti ?

L’appel a le mérite de te faire sortir de tes mornes songes mais ta mine devient encore plus renfrognée quand tu te rends compte que tu fais face à Adríel. Lui est fidèle à lui-même et t’offre son sourire le plus radieux sans même calculer ton regard de Férosinge.

- Bah quel hasard ! T’es aussi venue faire du shopping. Il se penche légèrement, observe la vitrine devant laquelle tu es plantée. Des perles ? Son regard mordoré vient se planter dans le tien, surpris. Je ne t’imaginais pas intéressée par ce genre de choses…
- Et on peut savoir ce que tu imaginais ? Est-ce que la remarque te vexe ? Un peu. Pour une raison que tu ignores; beaucoup ont tendance à te prendre pour un garçon manqué. Ce qui n’est pourtant pas le cas.
- Je pense que l’or t’irait mieux que les perles.
- Rattrape-toi aux branches Kahuna. A ce stade c’est peut-être même les racines. Tu t’en fiches pas mal cela dit et déjà tu t’éloigne du secrétaire de Lestat. T’es pas d’humeur pour gérer un clown dans son genre. Mais tu as à peine fait deux pas qu’il lâche la bombe.
- C’est pour Meredith ? Le métisse lève les mains en signe de reddition alors qu’il te vois arrivé tel un Grandbull enragé. Tout doux Brutus, c’était qu’une supposition ! Tu ne dit mot mais ton regard parle pour toi. Il fallait être aveugle ou s’appeler Faustea pour pas se rendre compte qu’elle en pinçait déjà pour toi au festival des Glycines. La suite n'est pas difficile à deviner hein la jolie princesse qui brise le cœur de pierre de la bête solitaire et irascible puis le château, le mariage et…
- C’est bon j’ai compris !

Est-ce que c’était si évident que ça ? Visiblement oui…

- Je pense que ca ferait un très joli cadeau de Noël. Ca ira parfaitement avec son teint et…
- Ce n’est pas pour ça…
- Oh… Fausti… Tu t’écartes tout en arborant ton air le plus intimidant possible mais ca n’empêche pas cet idiot de se pencher vers toi avec un sourire de roublenard. Est-ce que tu chercherais à déclarer ta flamme… ~

Il n’en faut pas plus pour te faire piquer du fard. Si vous n’étiez pas dans un lieu public, il se serait certainement retrouvé avec ton poings sur le visage. Mais tu es relativement civilisée.

- Va te faire voir Kahuna. On a dit relativement.

Tu pars d’un pas furibond. Agacée d’avoir été si facilement percée à jour, toujours en colère contre toi-même pour ne pas savoir te confier à Meredith, énervée de ne pas trouver le cadeau parfait. Tu es complètement perdue. C’est la première fois que tu ressens ça, la première fois que tu es en couple avec quelqu’un. Les règles du jeu te sont complètement inconnues.

Lui par contre…

Tu te retournes et constate que Adríel est toujours là, planté devant la bijouterie. Son sourire nonchalant semble même te narguer. Il a su avant même que tu ne le saches. Il sait que tu vas ravaler ton égo et lui demander conseil. Tu restes plantée là, faisant quelques pas furieux en rond tout en passant une main dans tes cheveux pour te calmer mais en vain. Ca te coûte tellement de demander quoique ce soit à qui que ce soit mais il te faut l’admettre…

Tu ne trouveras pas meilleur expert en la matière…

Alors te voilà en train de revenir vers Adríel, la queue entre les jambes mais le regard aussi dur que l’acier. Qui crois-tu tromper ? Il est celui qui est en position de force actuellement.

- Si tu as une suggestion à faire…
- Allons discuter de ça autour d’un verre.

Vous êtes donc retournés ensemble vers Primcore. Et vous ne vous êtes pas contenté d’un seul verre…



Voilà qui explique votre présence à tous les deux dans ce bar, voilà pourquoi tu te montres un peu plus familière et que tu oses vider ton sac. T’as bu juste assez pour parler à coeur ouvert avec Adríel. Peut-être que tu le regretteras dans quelques heures ou demain mais pour l’instant ça te soulage de pouvoir en parler avec quelqu’un.

- Je tiens à elle, vraiment… Mais je ne sais pas trop comment faire pour être à la hauteur. Je ne sais pas comment faire pour l’aimer comme elle le mérite… Tout finit toujours par partir en vrille avec les gens que j’aime.
- Aaaaah Faust… Tu te poses bien trop de questions ! Il n’y a pas qu’une façon d’aimer, voyons. Arrête de réfléchir et lance-toi, profite un maximum parce que… Parce que c’est quand on perd ce que l’on a qu’on se rend compte à quel point on y tenait. Tu observes un instant Adríel. En l’espace d’une seconde, tu as l’impression qu’il a pris dix années. Son air jovial l’a complètement quitté et ses yeux s'assombrissent. Il a le même regard que toi. Celui de quelqu’un qui a tout perdu.
- Adríel ?

Mais de la même façon que tu chasses les gens de ton intimité à coup de regard meurtrier, lui les chasses à coup de sourire enjôleur et d’air jovial.

- Si t’es plus douée avec les gestes que les mots, tu sais ce qu’il te faut ? Tu es toute ouïe. Ce soir, tu bois les paroles de l’Alolien. Tu ne te rends même pas compte qu’il a habilement détourné ton attention. Quelque chose de symbolique. Quelque chose qui te fais penser à elle. Quelque chose qui vous liera toutes les deux !
- Tu veux quand même pas que je la demande en mariage… Il rit aux éclats mais toi tu continue de réfléchir, ce qui devient compliqué avec l’heure tardive. Un Goupix !
- Un Goupix ?
- Un Goupix d’Alola.
- Un pokémon… Pourquoi pas ?

Tu te redresses d’un bond. S’il valide l'idée, il ne reste plus qu’à aller chercher ce Goupix.

- Aller ! En route pour Lanula mon pote ! Lances-tu en tentant d'attraper le bras d’Adríel pour l’entraîner avec toi. Mais il te fait rassoir.
- Minutes Papilusion… Il n'y a pas besoin d’aller si loin. C'est une des espèces qui sera introduite au Parc en Décembre.
- Comment est-ce que…
- Ca a ses avantages d’être le secrétaire du Président ~
- Mais Merry travaille là-bas je te ferai dire. Et si je lui demande quand elle n’y est pas ça va paraître suspect.
- T’inquiète pas pour ça. Je m’en occuperai demain. File-moi tes horaires. Mais… Faust… Après ça, tu me devras un faveur d’accord ? Si un jour je viens demander ton aide, tu seras bien obligée de m’aider n’est-ce pas.
- Tout ce que tu veux !

Ca… Tu risques de le regretter très fort.  Mais pour l’instant tu ne t’en préoccupe pas. Tu profites simplement du reste de la soirée. Tu continues de rire avec Adríel, de parler de tout et de rien avec cet homme qui ne te parait plus aussi insupportable que cela au final. Même si tu préfèreras mourir plutôt que de l’avouer, par la suite.

Tu ne sais pas trop comment il s’y est pris mais il a tenu parole. A la première heure le lendemain, Adríel t’as envoyé un message avec les horaires de Merry. Tu as, à présent, toutes les cartes en mains pour rendre cette fin d‘année inoubliable.

Tu as aussi une dette envers l’Alolien. Et si pour l’instant la chose ne te tracasse pas plus que cela - parce que, après tout, que pourrais te demander ce clown si ce n’est une idiotie du style lui servir d’alibi ? - tu risques de le regretter plus tard.

Mais trop tard. Les dés sont jetés et la machine est en marche.