Il y avait dans ton ventre un mélange d'émotions, un tourbillon d'excitation avec une pointe de culpabilité, de regrets, d'amertume. Il y avait cette petite voix dans ta tête qui te disait que c'était mal de détruire un bien publique, mais elle se calmait rapidement lorsque tu te rappelais qu'il s'agissait d'une décharge et que donc, les gens ne voulaient donc plus de ses choses. Tu t'étais habillé de façon athlétique avec l'une de tes vieilles camisoles de sport qui arrêtaient sous la poitrine, avec un long jogging noir de style baggy dont tu adorais le confort, une bonne paire de bottes de style militaire, parce que vous alliez tout de même dans une décharge. Tu étais en train d'attacher tes cheveux en un chignon pour ne pas qu'il t'embarasse alors que Guzzler tirait sur ton pantalon avec le désir de venir. Moka était couchée sur le divan, les yeux clôts. Dash était en train de se faire griller sous la lumière chauffante dans son énorme vivarium que tu lui avais aménagé pour son bien-être. Tu en avais encore peur, certes, il méritait de l'amour. Par contre, il était difficile de faire comprendre à ton petit elfe qu'il ne pouvait pas venir avec toi, pour sa sécurité surtout, et parce que tu avais un peu peur d'où il allait se fourrer par accident. En échange d'un sac de guimauves géantes, tu réussis à éviter la crise de bacon au sol et tu réussis à partir, mettant une bonne veste sur ton dos pour ne pas avoir trop froid.

Tu accueillis son étreinte avec amour, le serrant le plus fort possible, même si la force il te manquait. Tu restais là, ton nez dans son cou, humant son parfum, appréciant sa chaleur. Il faut avouer que tu avais hâte de le trouver dans ses lieux, avec la noirceur qui s'installait, la seule lumière disponible était celle des réverbères et tu n'étais pas une habituée de Sinnith dont l'allure des lieux pouvait être terrifiante comme un fond de ruelle.

▬ T'inquiètes, je suis contente que tu m'ais écris.

Et c'était très sincère. Parce que bien que tu ignorais ce qui s'était passé de son côté, tu savais que ça n'allait pas. Et toi non plus, ton cerveau n'arrêtait pas de réfléchir et tu avais besoin d'une pause. Depuis ta dernière rencontre avec Blair, tu étais ce mélange d'émotions et clairement, les ingrédients mises à la pâte ne donnaient pas un bon gâteau. Et quelques choses te disait que la même personne était encore responsable des mals être de Leslie. Tu regardais les armes à disponible et te demandait ce qui pouvait te convenir. La masse t'intéressait, mais elle te semblait un peu lourde. Leslie avait déjà une batte, mais c'était le choix qui te semblait le plus agréable. Donner une bonne swing dans un pare-brise allait probablement être agréable.

▬ Allez, raconte.

Tu regardes cette batte dans ta main et ça te fait curieux. Ce poids entre tes doigts, la sensation du bois froid dans ta paume. Tu la manipules comme si c'était un geste étrange, sans trop savoir quoi faire avec. Tu te sens comme si on t'avait déposé un nouveau-né dans les bras et tu ignorais quoi en faire et que tu avais seulement envie de le rendre à sa mère, au risque de le casser. Or, ici, tu étais là pour casser des choses et cette seule pensée te faisait frissonner. Tu n'avais jamais eu ce désir de détruire, de contredire l'autorité et justement, tu avais l'impression de faire quelque chose de mal. Mais, vous étiez dans une décharge et l'ange sur ton épaule te donnait sa bénédiction. Il n'y avait que toi maintenant qui bloquait devant ce pare-brise, te demandant comment t'y prendre pour bien le faire. Tu avais vu des films, certes, tu n'avais pas la grâce des personnages principaux, tu n'avais pas l'élégance d'une rebelle. Tu étais Alexis, tout simplement.

▬ Tu me forces pas la main du tout, j'avais envie de te voir.

De ton pied, tu envoies promener une bouteille de vin vide et tu continues d'avancer vers le véhicule qu'il te présente. Ta semelle rencontre le pare-choc et tu l'utilises comme appui pour monter sur le capot de la voiture. Tes bras forment une croix avec ton corps, tu les étends comme des ailes pour garder ton équilibre sur la surface bosselée, sur ce véhicule que tu n'as jamais monté de cette façon. Ton arme te semble ridiculement grande entre tes mains et pourtant, tu l'élances derrière toi, plies les genoux pour avoir de la stabilité et tu frappes. Tu donnes un grand coup vers l'avant en fermant les yeux, en tournant le visage, au cas où ça t'éclaterait dessus. Rien, aucun son. Tu ouvres un oeil et voit seulement que tu as ajouté une fissure de plus dans la transparence. Tu grognes entre tes dents. Allais-tu vraiment être pas assez bonne pour l'éclater? Ça en rajoutait une couche sur ta douleur actuelle. Parce que tu ne te sentais pas assez bien pour Blair, pas assez adéquate pour être son ami. Parce qu'il t'avait rejeté. Ta prise se fait plus serrée autour du manche. Tant pis si tu as des ampoules demain matin. Tu reprends ton élan et cette fois, tu le vois. Le verre se projete autour de toi, mais surtout vers tes pieds et non vers ton visage. Tu entends ce son et tu ignores pourquoi, mais y a une certaine satisfaction.

▬ J'ai voulu lui parler pour comprendre ce qui s'est passé l'autre fois. Et il m'a dit qu'il n'a pas besoin de moi dans sa vie.

Tu te retournes vivement, manquant perdre l'équilibre sur la carroserie abimée et tu sautes au sol, te dirigeant vers le rétroviseur droit, le seul qu'il reste et tu prends un élan, comme si tu allais frapper une balle et l'envoie valser au loin. Sourire aux lèvres, tu es satisfaite. Ton ton monte, tu grognes ta colère.

▬ Juste ça. On se connait à peine et je suis rayée des possibles amitiés. Il sait même pas je suis qui, mais ça suffit pour lui de dire que c'est mort. Et je comprends pas. Je DÉTESTE ne pas comprendre. Ça pas de sens !

Et tu te retournes encore, pataude cette fois. Il y a cette étincelle dans le coin de tes yeux, cette brillance comme le reflet d'un cristal. Tu renifles un coup, tentant de retenir la honte et la colère qui se mélangent. Tu veux les écraser tes émotions, les briser comme cette voiture et les faire disparaître dans la décharge.

▬ Mais.. Je suis une bonne personne, non? Alors pourquoi il me laisse pas une chance?  

Et tu souris à Leslie, de ce sourire triste qu'il n'a peut-être pas l'habitude de te voir afficher. Tu souris quand même, parce que c'est ce que tu fais de mieux.

▬ À toi. Voiture ou télévision?  que tu lui pointes du bout de ta batte.

Tu es à la furieuse et triste. Honteuse et nerveuse. Ta prise se resserent autour du manche, si fort que tu en blanchis tes jointures, que tu en engourdis tes doigts. Tu as cette rage dans le coeur, ce ressentiment dans le sang. Et puis, tu le vois venir vers toi et tu sais ce qu'il va faire. Alors, tu ouvres les tiens et accueilles cette tendresse, ce réconfort. Tu n'as pas envie de pleurer, même si tu sais que tu peux être honnête avec Leslie, que tu ne seras pas juger pour montrer tes émotions. En réalité, c'est pour toi-même que tu te refuses de pleurer. Tu ne veux pas laisser la décision sans raison valable de Blair te mettre dans cet état. Peut-être est-ce ton égo qui te fait croire que d'être triste à cause de lui, serait de le faire gagner. Mais gagner à quoi? Avait-il de vils intentions derrière ses paroles de l'autre fois? Tu ne le crois pas. Et alors que Leslie explique ce que tu sais déjà, tu ne peux qu'hocher la tête en reniflant, tentant de faire revenir les larmes à l'intérieur, que la vague qui menace de céder sur le coin de tes yeux retourne en toi, pour envahir que tes sinus.

Alors qu'il se dirige vers la télévision, tu t'accroupis pour récupérer ton arme et tu l'utilises comme une canne en t'appuyant dessus pour observer ton ami déferler sa rage à son tour. Tu as bien hâte de savoir pourquoi vous êtes ici, pourquoi cet appel même si tu es ravie de le voir. Et lorsqu'il débute son histoire, tu es toute ouïe. Tu souris un peu en sachant qu'ils se sont embrassés, tu as envie de dire enfin, mais si Leslie était enragé au lieu de soulager, c'est que l'échange entre les deux hommes s'étaient mal passé ou quelque chose était venu brisé la magie de la passion entre leurs lèvres. Et ça dégringole. Tu entends les mots et ta bouche s'ouvre avec la grâce d'un magicarpe et tu ne peux pas retenir tes mots.

▬ Ben non !

Tu es surprise, sous le choc. Il a déjà quelqu'un d'autre, vraiment? Tu pourrais lui proposer d'aller lancer des oeufs chez lui ou chez l'autre, mais ce n'est pas le moment. Ce n'est pas ce qui vous rendrait plus heureux, ça n'enleverait pas le mal. Ici, vous vous défoulez. Là-bas, vous n'auriez pas de satisfaction à savoir que le lendemain, Blair allait nettoyer des substances gluantes sur la vitrine de son salon de tatouage. Ainsi donc, Alexis, malgré le danger d'un bâton de baseball relevé, tu t'approches dans le dos de Leslie et tu l'entoures. De tes petits bras qui ont tant d'amours à donner, d'une force qui n'est pas proportionnelle à celle qu'il y a dans ton coeur, tu le colles avec tendresse. Tout est clair maintenant, mais tu ne peux pas y croire quand même. Alors doucement, ta main se pose sur la sienne et tu lui imposes de cesser de frapper. À la place, tu l'entraînes avec toi vers le devant de la voiture que tu viens d'éclater, utilisant le pare-choc comme siège, bien qu'un peu froid pour le postérieur. Quitter les lieux pour aller manger du chocolat ne serait pas un remède suffissant. Alors, autant être une langue sale et fouiller les réseaux sociaux. Tu ouvres ton téléphone et tu regardes Leslie.

▬ C'est quoi le nom de l'autre ? Tu penses qu'il est au courant que Blair te voit?

Et bien que le tout est triste à tes yeux, que tu es déçue pour ton ami, tu le vois dans ses mots qu'il n'arrive pas à l'haïr pour autant. Que rien ne semble assez pour le persuader que Blair n'est pas pour lui. Et ça, c'est la faute à l'amour, à ce p'tit con ailé qui lance des flèches empoissonnés qui vous font voir autrui d'une autre façon. Tu ne sais pas quoi penser de tout ça et c'est bien pour ça que tu as envie de savoir qui est cette autre personne, s'il y a malentendu, s'il est déjà réellement avec un autre?

▬ On fait comme dans ce film? Tu sais, celui où une femme apprend que son mari a une maîtresse et une autre et qu'elles s'allient pour faire de sa vie un enfer et le détruire. On pourra lui faire perdre ses cheveux en changeant son shampoing pour de la crème dépilatoire, mettre du laxatif dans son café...

Et tu poses ta tête sur ton épaule, parce que bien que les idées te font sourire, tu sais que ce n'est pas ça qu'il vous faut, qu'il faut à Leslie. Parce que comparé à lui, tes soucis avec Blair ne sont rien. Il vous donne mal à la tête à tous les deux, mais avec Leslie, c'était beaucoup plus sérieux, beaucoup plus important à tes yeux. Autant tu avais envie de le voir heureux avec Blair, autant tu te demandais s'ils étaient vraiment fait pour être ensemble.

Et alors que tu tapes le nom de Quincy sur les réseaux sociaux, tu refermes l'écran aussi rapidement, espérant que Leslie ne voit pas ces photos où le brun tient son ami par les épaules en lui donnant un baiser sur la joue. Parce qu'ils ont l'air d'avoir une belle complicité et alors, tu comprends comment Blair pouvait se sentir en te voyant avec Leslie, bien qu'entre vous, il n'y avait rien, c'était platonique. Peut-être avais-tu cru qu'il y avait plus, peut-être était-ce là le problème? À tes yeux, Leslie n'était attiré que par les hommes et tu n'avais jamais demandé s'il était bisexuel ou non, tu avais toujours pris l'information pour acquise. Mais ce qu'il te disait te rendait triste, parce que ça devait être un sentiment horrible de voir que quelqu'un te connais alors que toi, tu restes dans le néant. Avoir l'impression que cette personne a un avantage sur soi-même, ou pas. Ça dépend des gens. Mais, à voir comment Leslie était, cette personne lui avait probablement fait ressentir combien il était important pour Blair, avec probablement un air de prétention ou hautain. Mais bon, qu'en savais-tu au final.. Et tu n'osais pas demander d'autres informations, n'ayant pas envie de tourner le couteau dans cette plaie béante que tu voulais soigner et non agrandir.

Et tu écoutes ce qu'il dit avec attention, serrant ses doigts lorsqu'il trouve les tiens, ajoutant une main par-dessus sur la sienne en collant ta tête contre lui. Tu as envie de le taper quand il parle que l'amour n'est pas pour lui et tu cherches les mots justes, bien que tous les mots te semblent clichés. Parce que tu sais que Leslie a beaucoup d'amours à donner, il faut seulement qu'il trouve la personne prête à les recevoir et à le lui rendre. Tu gardais espoir que Blair puisse être le bon, à condition que les deux réussissent à tourner la page sur leur passé et se donnent une chance dans le présent. À ne plus bouger, assise sur la carroserie, tu réalises que tout est bien froid autour de vous, surtout ce métal sous tes fesses. Un frisson te parcourt et probablement que Leslie le sent, que tu trembles un peu.

▬ Je t'avoue que j'ai froid, mon chou. Je propose qu'on aille chez moi. Et qu'on fasse un détour par le dépanneur du coin, histoire de faire le plein de cochonneries, de chocolats et peut-être de boissons.

Tu repenses à l'autre jour et le mal de tête qui en a suivi le lendemain matin te hante encore. Il fallait faire preuve de modération cette fois, mais cette histoire pourrait bien faire rire ton ami et tu la gardes en réserve pour plus tard, parce que la soirée était encore jeune.

▬ Ça te va?

Ta main serre la sienne, parce que tu n'as pas l'intention de le quitter. Même s'il refuse ton idée, ce soir, il ne sera pas seul. Et s'il l'accepte, ta maison sera la sienne pour la nuit et vous serez ensemble, tout simplement. Parce que c'était ce qui était bien dans votre relation : c'est simple.

Quand tu parlais de boissons, tu pensais à du thé glacé, de la limonade, du lait au chocolat. Quelque chose de doux, quelque chose qui ne risquait pas de te faire vomir le contenu de ton estomac dans la toilette. Pourtant, tu es devant l'allée et tu regardes ce que tu pourrais prendre. D'un côté, tu as envie de prendre un verre et d'apprécier le moment. D'un autre côté, ton estomac pleure. Néanmoins, tu décides de l'ignorer et de faire la sourde oreille, te disant que Leslie le mérite bien, que tu sois magané le lendemain. Tu prends donc une bouteille de rhum blanc et de rhum ambré, sachant qu'avec ce que tu as dans ton garde-manger, tu pourras faire des piña colada sans problème ou n'importe quel jus avec du rhum, ça fonctionne. C'est alors que Leslie arrive vers toi et tu glisses les bouteilles dans son panier, les yeux ronds et étonnés par sa demande.

▬ Wow. Ça va faire un sacré changement. Ça t'ira superbement.

Et tu souris, comme à l'habitude, un sourire sincère contrairement à auparavant. Vous vous rendez à la caisse et tu paies rapidement avant que Leslie puisse le proposer, tirant la langue en riant avant que vous vous rendiez à ton appartement, le laissant le plaisir de porter les sacs. Alors que tu ouvres la porte, tu vois un Guzzler bien heureux de te revoir et encore plus heureux de voir Leslie, lui sautant sur les jambes.

▬ Il était fâché que je l'amène pas avec moi tout à l'heure..

Mais, maintenant, il était fou de joie et ça te faisait plaisir. Tu allumes les lumières du salon et de la cuisine, laissant ton manteau dans le garde-robe à cet effet et invite Leslie à se mettre à son aise. Il y a Moka sur le divan qui a ouvert un oeil et l'a refermé en voyant que c'était bien toi, alors que tu te diriges vers la cuisine, sortant des bols pour vous servir des friandises et des verres avec de la glace pour faire des breuvages.

▬ Je dois t'avouer que ma dernière expérience avec alcool ne s'est pas bien terminée... et s'il te plait, dit-moi que tu connais la grandeur des chaussures de Blair... Tu pourrais arrêter l'histoire là, mais au moins, ça aura le mérite de changer les idées de Leslie. J'ai bu trop de shooters, trop de sangria et j'ai vomi à ses pieds alors qu'il m'appelait un taxi. Sourire malaisé, tu hésites à en rire ou en pleurer. le pauvre guzzler, il comprenait pas pourquoi j'étais dans cet état!  mais promis, je te ferais pas le même coup ce soir !

Tu as le rouge qui te monte aux joues alors que le rire de Leslie résonne entre les murs de ton appartement. Tu gonfles tes joues comme une enfant ou alors comme un poisson globe et tu le regardes avec cette moue qui semble dire arrête, c'est pas si drôle. C'est que toi, tu as honte d'avoir terminé dans cet état, mais tu es contente de lui avoir raconter cet évènement malgré tes ressentis. Parce qu'il est si beau de l'entendre rire, il est si beau de le voir sourire, même s'il y a une pointe de mesquinerie derrière l'acte. Tu ne peux pas lui en vouloir ou le lui reprocher, une part de toi est satisfaite que Blair ait un souvenir de toi, que ton estomac ait déversé ta colère de cette façon. Tu étais triste, mais surtout en colère contre le brun, tu n'acceptais pas ce rejet injustifié et ainsi, tu considérais que tu devais t'excuser, tenter de réparer les pots cassés pour au moins te donner une chance. Néanmoins, tu restais sans idée de comment l'approcher, comment le contacter. Tu étais une femme autonome, tu finiras bien par trouver, pauvre Alexis.

▬ Allons en enfer ensemble alors! que tu lui réponds en riant à ton tour.

Tu savais bien qu'en étant chez toi, c'était plus adéquat si tu étais malade. À moins de vomir sur Leslie par erreur, mais encore, ce n'était pas ton objectif. Si lui devait oublier et avait envie de le faire, tu devais être prête à lui tenir les cheveux par-dessus la toilette et à lui servir verre d'eau et comprimé pour la gueule de bois. C'est bien ce qui t'avait manqué l'autre jour, quelqu'un pour prendre soin de toi. Bien que Blair t'ait raccompagné en toute sécurité, bien que Guzzler et Moka avaient dormi contre toi dans ton lit de fortune qu'avait été ton tapis d'entrée, tu avais bien regretté ta migraine du lendemain et surtout, tu n'avais pas aimé voir Guzzler si inquiet par ton comportement. La brave créature était d'ailleurs à tes pieds, tendant les bras pour que tu l'accueilles et c'est naturellement que tu le soulèves et l'assoit sur le bord du comptoir de la cuisine.

▬ J'avais une idée en tête tout à l'heure ! Tu t'occupes de la musique pendant que je prépare ça? lui demandas-tu en pointant un haut parleur sans fil qui trône sur ta table à manger, attendant d'être lié à un téléphone pour battre le rythme.

Tu es toute sourire, mais également toute nostalgique. Tu n'es pas une grande connaisseuse en terme d'alcool, mais ce drink, tu l'as vu des tonnes de fois. C'était le préféré de ta mère. Alors naturellement, tu sors ton mélangeur et tu te promènes dans ta cuisine, allant du garde-manger au réfrigérateur, allant d'ici à là-bas, contournant Leslie avec une agilité que l'on te connait pas. Oui, ta cuisine n'était pas la plus grande, mais elle était chaleureuse. Ainsi donc, tu mélangeais ananas, glaçons, lait de coco avec du rhum brun, appréciant sa teinte ambrée et la note vanillée du produit. Tu sortis deux verres, plutôt grand, peut-être trop grand, et tu te forças pour la présentation, car c'était bien que c'était joli et Leslie méritait tous les efforts du monde. Tu utilisas un morceau d'ananas pour humidifier la bordure du verre, le trempa dans de gros cristaux de sucre, versa la mixture et y ajouta une petite brochette du fruit tropical avec des cerises au marasquin.

▬ Tada!

Tu présentas ton oeuvre avec satisfaction, espérant ne pas t'être tromper avec les six onzes de rhum dans la recette - si, si, tu t'étais trompée en triplant la dose, mais qui allait s'en rendre compte... - et tu grimpas sur le comptoir à côté de Guzzler qui savourait des cerises qu'il avait piqué sur ses griffes, les savourant une à une.

▬ Ma mère adorait ce cocktail. Elle disait toujours que ça lui donnait l'impression d'être en voyage. Elle a toujours voulu aller sur les sept îles pamplemousse, je sais pas trop pourquoi, la plage problablement. Ça l'aurait changé de ses Écremeuh..

Tu as une pointe de nostalgie et un peu le mal du pays. Ça te fait curieux de ne pas les revoir. Peut-être qu'un jour, ça sera différent, mais pour l'instant, il n'y avait rien à faire. Tu pris une gorgée, satisfaite de la texture onctueuse de ton piña colada, reniflant ta peine d'un instant, espérant que tu ne donnerais pas un coup de blues à Leslie en parlant de ta mère alors que lui avait perdu la sienne. En même temps, était-ce un sujet tabou, un mot interdit? Tu ne le pensais pas, ton meilleur ami avait une belle relation avec sa mère, c'était tragique qu'elle ne soit plus parmi vous, mais ce n'était pas comme parler de la fuite soudaine de Blair. Cette pensée te ramena sur la raison principale de votre rencontre et tu pointas la boîte qui affichait un portait d'une dame d'un blond platine beaucoup trop heureuse.

▬ Et ça, c'est pas trop compliqué à faire? J'espère que tu auras un sourire aussi large qu'elle après ta transformation !

▬ Ne te fais pas trop d'attente, c'est la seule chose que je sais faire grâce à elle ! lui répondis-tu en riant.

Tu pris une gorgée de ta mixture et grimaça légèrement. Oui, tu avais raté la recette, mais c'était tout de même bon. Un peu fort, mais très bon. Tu tournais les fruits dans le breuvage, souriante. C'était un doux souvenir qui te reliait à ce mélange, heureusement.

▬ Oui et non. J'étais prête à partir, mais ça difficile de couper tous les ponts. Je te cache pas avoir été surprise en lisant le contrat... mais j'avais besoin de ce renouveau. Tu fis une petite pause pour prendre une trop grande gorgée de ton drink. J'espère seulement qu'elle ne pense pas que je les détestes, que je peux pas leur donner de nouvelles.

Avais-tu appris de tes leçons? Probablement pas, car tu buvais un peu vite le mélange. Ça goûtait presque le jus de fruits, ça se boit trop vite pour ton propre bien. Alors tu ouvres un sac de chips et commences à piger dedans en prenant la boîte des mains de ton ami, lisant les directives et commençant à l'ouvrir, dévoilant plusieurs produits et des gants. Ça te faisait presque peur, mais heureusement pour Leslie, tu étais une élève attentive et minutieuse et plutôt douée en chimie à l'époque.

▬ Je crois que ça serait mieux que tu enlèves ton chandail, si tu veux pas qu'il change de couleur par accident! Et puis bon, je vais quand même faire attention. J'ai pas envie que tu pleures dans mes bras parce que je t'ai rendu chauve.

Tu tiras une chaise et tapota le siège, l'invitant à s'asseoir pendant que tu disparaisais dans une autre pièce, allant chercher sac de plastique et serviette pour couvrir ses épaules. Tu pris une nouvelle gorgée, puis le temps de bien lire, mélangeant produit sur produit doucement, plaçant le sac de chips devant Leslie pour qu'il puisse se servir. Gants sur tes mains, tu lui fis un sourire presque inquiétant, à la limite du machiavélique.

▬ Es-tu prêt ? Hé. Hé. Hé !

Doucement, elle prit une mèche à la fois, appliquant la première étape. On dit que les coiffeuses sont des thérapeutes, des gens à qui l'ont peut tout dire et bien que leur relation était très honnête, Alexis espérait qu'il parle encore, qu'il délivre ses tourments, mais n'avait pas envie de le forcer sur cette voix.

▬ C'est la première fois que tu changes de couleur?

Tu lui lanças la serviette en riant, pour le faire taire, ne répondant rien à sa remarque pour autant. Le voir en torse t'émoustillait autant que de voir tes frères en torse : zéro et une barre. Tu écoutais ses paroles avec attention autant que tu prenais le temps d'appliquer le produit selon les conseils : débuter par les pointes et finir par les racines. Tu l'imaginais essayer de se couper lui-même les cheveux, se rater les premières  fois, se cacher et tout de même refuser de retourner chez la coiffeuse. Et toi, quelles étaient tes habitudes? Tu les faisais couper de la même façon depuis si longtemps, tu n'avais jamais vraiment envisagée de changement. Tu aimais cette coiffure, alors pourquoi changer une formule gagnante? Ta couleur naturelle était suffisante et à l'époque, tu ne te serais pas imaginé revenir à la maison avec une autre couleur de cheveux: ça aurait été un ticket gratuit pour tes frères de te charier.

▬ Je pourrais peut-être essayer.. la prochaine fois. Quelle couleur m'irait bien à ton avis?

Tu appliquas un sac sur sa chevelure et retira les gants avant de tourner le petit minuteur en forme de togépi qui ornait le dessus de ton four. Lorsque la cloche sonnera, il sera temps de rincer puis ensuite d'appliquer le colorant. Tu avais bien hâte de voir le résultat final, mais en attendant, il fallait continuer de prendre soin de ton invité. Tu pris son verre vide et versa une deuxième fois ta mixture pour piña colada avant de lui tendre et tu t'en fis un autre verre, vidant ce qui restait dans le mélangeur. Pendant ce temps, tu ne remarquas pas un petit Guzzler, les pattes autour du Togépi, qui modifiait le temps à la baisse. Il le reposa comme si de rien n'était avant d'aller sur les genoux de Leslie, volant quelques chips dans le sac avec gourmandise.

▬ Je t'avoue que je me sens vraiment mal pour lui.. Tu connaîtrais pas sa taille de chaussure par hasard? Que j'aille lui en acheter une nouvelle paire et lui glisser devant la porte de sa maison en douce?

Parce que s'il te voyait sonner à sa porte, probablement qu'il ne t'ouvrirait pas et tu le comprenais.