Tu y avais mis beaucoup d'effort et maintenant que tu le déposais devant sa porte, tu te demandais si c'était assez. C'était hier, dans la nuit du 9 février que tu avais été une horreur. Juste d'y repenser faisait revenir la migraine que tu avais eu ce matin en te levant, sans oublier les courbatures. Tu ne t'étais pas endormie dans ton lit et bien heureusement, pas dans celui d'un inconnu non plus. Toi, tu avais préféré t'échouer sur ta porte d'entrée et résultat, ton cul avait été plus qu'engourdit, tu te déplaçais comme une grand-mère en te tenant le dos qui se sentait aussi rouillé qu'un bout de métal qui a séché au soleil après une averse acide et ton crâne, tu te demandais si une fracture n'aurait pas été plus supportable.

Avec plusieurs cachets, tu avais finalement réussi à briser cette horrible douleur qui martellait tes tempes et il suffisait que tu te râcles la gorge pour que Guzzler comprenne que le silence était d'ordre. Néanmoins, tes verres en trop t'avaient pas fait oublié ce qui s'était passé. Quelques brides étaient nébuleuses, mais tu te rappelais très bien d'avoir vomi sur les pieds de Blair et surtout, tu avais bien honte de t'être tromper de porte d'appartement. Non seulement avais-tu essayé à maintes reprises d'y introduire ta clé sans succès, tu avais aussi tapé sur le bois de celle-ci, peut-être même avais-tu appuyé sur la sonnette par accident avec ta maladresse légendaire, sans oublier ta voix portante qui avait avisé Blair que tu n'arrivais pas à l'ouvrir.

Ainsi donc, armée de lunettes soleil, tu t'étais décidé à te faire pardonner. En te réveillant beaucoup trop tôt pour ta gueule de bois, mais de façon habituelle pour toi, tu avais arpenté les boutiques en tout genre, formant un petit panier de produits pour te faire pardonner. Ignorant qui était le ou la locataire de ce logement, tu l'avais remplis de viennoiseries à se jeter par terre, chocolats succulents, petits bonbons en forme de différents pokémons de type fée, quelques fleurs pour orner une table et un petit carton sur lequel tu avais inscris trois mots de ta plus belle écriture: je suis désolée. Néanmoins, bien que tu avais le courage de présenter des excuses pour ton comportement, tu n'avais pas envie de croiser cette personne et ainsi, tu étais là, déposant ton offrande comme un voleur, prête à disparaître.

Cependant, ton Ténéfix ne semble pas de cette avis et peut-être est-ce en guise de revanche d'avoir été réduit au silence toute la matinée qu'il se met à sonner frénétiquement sur la sonnette. Et alors que tu l'attrapes d'une position digne d'une prise de lutte, bras dessous, bras dessus autour de ta bête à diamant, tu entends la porte s'ouvrir. Y avait-il moyen de fondre dans le sol? Tu figes, assise à terre devant ton panier d'excuses, ridicule.

Malaise. Tu ne sais pas trop quoi dire, paralysée par la peur. Ce n'est pas le mascaïman le plus terrifiant, lui, tu le trouves adorable et c'est probablement parce qu'il est un peu idiot que Guzzler tend les bras vers l'avant dans le désir d'aller caresser la peau du reptile. Il bouge, il remue, il aimerait aller voir de plus près ce nouvel ami, mais tu conserves ta prise, seule chose que tu arrives à faire, bien qu'avec un peu de difficulté. Ta bestiole donne un coup sur tes lunettes et voilà que ses dernières sont rendues de travers sur ton nez, laissant voir tes prunelles d'un vert gazon qui le fixe lui avec stupéfaction. Tu sembles toujours autant paralysée, tu es devenue aussi vivante qu'une plante dans son pot. Or, à l'inverse d'un végétal, le soleil te fait souffrir actuellement. Tu es incapable de parler, tu balbuties, sans que des mots précis sortent de ta bouche.

Malaise. Tu lèves les sourcils en entendant le mot saloperie, pensant d'abord qu'il est enragé de te voir devant sa porte alors qu'en fait, il parle à son pokémon. Néanmoins, sa colère ne se dissipe pas et alors qu'il est sur le point de fermer sa porte, tu lâches ton Ténéfix qui saute sur le pokémon ténèbre avec une joie débordante, caressant le dessus de sa tête en ignorant la mâchoire pleine de dents qui l'accompagne. Tu ne l'as pas lâché pour faire diversion, ta main s'est placée contre la porte, dans un espoir de la laisser ouverte.

▬ Attends! Je suis ... Désolée, voulais-tu dire, mais tu ne termines pas ta phrase.

Malaise. Non, tu recules, tu lâches la porte et tu recules. Tu es toujours au sol, mais maintenant, ton dos est collé contre la rampe extérieure de l'immeuble. Son sourire donne un frisson, mais c'est surtout ses mots qui te font craindre la suite. Tu te relèves doucement, prenant appui sur la main courante, plaçant les mains devant toi pour clâmer ton innoncence. Ou presque. Tu avais en effet fait ce tapage, mais tu avais des explications valables. Ou pas. Tu te sens étourdie de t'être relever si vite, tu te sens comme un marin qui n'a pas le pied et dont l'estomac tangue avec la mer.

▬ C'est pas ce que tu crois, Even..

Malaise. Tu viens de réaliser qu'il s'agit d'un de tes collègues de travail. Tes sourcils s'écrassent sur tes yeux, leur donnant un air de bête piteuse, mais en fait, c'est lui que tu regardes avec empathie, avec pitié. C'est qu'il doit avoir passer une mauvaise nuit à cause de toi, c'est qu'il doit être fâcher de tous les dérangements que tu lui occassionnes. Et tu te rapproches, un pas puis un autre, souriant doucement, d'un sourire désolé, alors que tes doigts attrapent un sac dans le panier cadeau que tu lui as mis. Tu le lui tends, ce sac de café fraîchement torrifié et avec ta gentille naïveté, tu en ajoutes une couche.

▬ Un café pour me faire pardonner d'avoir déranger ton sommeil?

Tu ne réalises probablement pas que tu viens de t'éviter une bonne baffe, tu ne réalises probablement pas toute la colère que ce garçon avait envers toi, mais tu es assez observatrice pour voir que tu as tapé dans le mille avec le café. Tu pourrais t'exalter de bonheur, tu pourrais sautiller de joie, danser ridiculement, mais pas aujourd'hui. Bien que tu peux être sotte à tes heures, tu voyais que ce n'était pas la bonne ambiance pour être ridicule à ce point, mais la principale raison, c'était ton corps tout entier qui se plaignait d'être en vie. Guzzler se glisse dans l'appartement sans t'attendre, poussant la boîte avec son nouvel ami, tu n'as pas besoin de te faire trop de soucis de ce côté, les deux bêtes semblent bien s'entendre.

Un pas devant l'autre, tu te sens encore barbouillée, l'estomac qui virevolte, mais tu le suis, refermant la porte derrière toi, prenant le temps d'enlever tes bottes avant de poursuivre dans son logement. Tu ne t'attendais pas à être inviter et naïvement, tu te dis que ton cas est moins désespéré que les apparences le laissaient croire. La disposition des lieux est semblable à ton propre appartement, outre les couleurs, le mobilité, l'ambiance générale. Tu prends le temps de t'asseoir, prenant le verre d'eau offert bien qu'une tasse de café t'aurait fait plus plaisir. À voir sa collection, il devait bien aimer cette sorte et toi, tu n'y avais jamais goûté. Probablement allais-tu retourner en cherchant plus tard pour toi, dans l'espoir que cela aide ta gueule de bois.

▬ Tu vas rire, c'est une histoire tout bête. En fait.. Je.. Je..

Tu sembles chercher tes mots comme si tu allais lui inviter une histoire. Ça sent le mensonge, mais c'est loin d'être ça. Tu fermes les yeux et te concentres alors que tes larmes te montent aux yeux. Tu sais ce qui s'en vient et tu as pas envie. Tu as l'impression de creuser un peu plus ta propre tombe. C'est pas le moment, as-tu envie de crier à ton corps, mais impossible d'ouvrir la bouche. Tu te lèves d'un bond et court vers la salle de bain - heureusement tu connais le chemin - et des arc-en-ciel naissent dans les latrines de ton voisin d'au-dessus. C'est pas très chic, c'est pas très agréable comme son de t'entendre de vider les tripes, mais tu te rassures d'être arriver à destination et ne pas avoir vomi dans les chaussures de ce dernier ou sur son plancher. Ça aurait été la fin de ton existence, tu aurais trouver une façon de te liquifier.

La chose faite, tu tires la chasse, mais ne sort pas. Tu as envie de fermer la porte et de la barrer, mais tu ne le fais pas. De un, parce que tu n'es pas chez toi et prendre en otage cette pièce te semble une mauvaise idée. De deux, parce que tu apprécies la fraîcheur du carrelage au sol. De trois, parce que devoir te lever risquerait de créer un nouveau tsunami de papillusions. Alors, tu restes assise, le visage caché dans tes mains, mourant de honte. De l'autre côté, Guzzler ne comprend toujours pas ce qui se passe avec sa dresseuse. Alors, il s'approche d'Even. Ses petites griffes s'accrochent à son pantalon et il tire plusieurs fois, pointant de son autre main la pièce où tu te trouves. Alors que toi, d'une petite voix, tu essais de finalement t'expliquer.

▬ J'apprends que je tolère pas bien l'alcool.

Lorsque les fées marraines étaient passés sur le berceau d'Even, clairement, elle avait oublié de lui donner de la sympathie. Malgré tout, tu ne lui en tenais pas rigueur, tu estimais qu'il devait être un peu grognon d'avoir été dérangé autant aujourd'hui. En plus, tu venais de décorer sa toilette avec grâce. Tu fermas les yeux, inspirant, expirant, tentant de faire partir ce mal de coeur. Probablement trop lentement pour le blond, tu étires le bras pour prendre le verre d'eau qu'il te tend, retira du même coup tes lunettes de soleil pour les déposer au sol. Guzzler est près de vous, ses yeux indiquant une légère irritation face aux commentaires du garçon et quand tu le vis lever son pied pour lui donner un coup dans les tibia, tu t'empressas d'intervenir.

▬ Guzzler, non ! Ça va mon grand.

Et le petit elfe, pris sur le fait, retournes en courant vers le reptile, craignant des représailles de l'hôte. Tes joues sont rouge de honte, à cause de ton pokémon et surtout à cause de toi-même, te sentant encore plus coupable avec les commentaires d'Even. Avec une douceur qu'il n'a pas, tu prends la boîte à tes pieds et l'ouvres, prenant deux comprimés et les avalant d'un trait, comme tu avalais les shooter la veille. Il y a ses perles qui brillent au coin de ses yeux, provoquée par les vomissements plus tôt, petites perles que tu essuis du revers de la main en refermant les yeux, collant ton front contre le mur à côté de toi, appréciant le côté froid de ce dernier. Tu aimerais rire, tu aimerais être pétillante comme à l'habitude, mais c'est impossible en ce moment. Tu aimerais juste que la tempête dans ton estomac cesse et la tornade dans ta tête. Néanmoins, tu lèves la main vers ton sauveur et tu lui fais un pouce en l'air accompagnée d'un sourire pitoyable.

▬ J'en prends bonne note. D'autres conseils à me donner, grand sage?

Face à sa remarque, tu tentes de te lever, soupirant en quittant la fraîcheur du mur. Votre séparation est trop tôt à ton goût, mais il est vrai que tu pourrais aller chez toi, te cacher dans ton lit et probablement que tu te sentirais mieux. Et puis, peut-être avait-il à sortir, des choses à faire et que tu n'étais qu'un dérangement. Alors tu te lèves, beaucoup trop vite, vascillant en voyant des points noirs devant toi, ta pression n'étant pas satisfaite de ton acte. Tu hésites à te rasseoir ou à t'appuyer sur Even et bien que la deuxième option est effrayante, c'est ce que tu fais, le mur étant à un pas trop loin maintenant par rapport au garçon. Tes mains s'accrochent à son épaule droite alors que tu penches la tête, appuyant le sommet de ton crâne sur son biceps, faisant le chiffre un avec ton doigt.

▬ Je vais partir, promis. Mais, une petite minute s'il te plait. Tu fermes les yeux, inspire, expire, ça tourne encore. J'avais pas fini mon explication. C'était pas voulu que je dérange ta porte, c'est juste que.. j'ai cru que j'étais chez moi. Sauf que j'avais monté un étage de trop.

Tu réouvres les yeux, le fixes, de tes prunelles gazon humides, de tes yeux cernés d'un mauvais sommeil, de ton visage qui crie au monde que tu ne vas pas bien, avec ce petit teint blême qui ne rayonne pas. Alors, tu le libères de tes mains, reprenant appui sur un mur avant de te laisser glisser dans le bas, te rassoyant au sol. Finalement, tu allais avoir besoin de plus qu'une minute. Et peut-être de la toilette à nouveau.

C'est que ça te fait chaud au coeur de l'attendre dire que c'est pas grave. Ça te rassure de savoir qu'il ne t'en veut pas, malgré la rage qui animait ses yeux un peu plus tôt. Tu ne sais pas exactement ce qui peut l'avoir fait changer d'idée, mais ton égo se flatte de croire que c'est tes cadeaux qui y sont pour quelque chose. Tu as la tête entre les jambes, inspirant et expirant doucement, les doigts sur ton front qui te semble chaud ou alors c'est tes doigts qui sont glacés. Combien de temps allait prendre les médicaments pour faire effet? Tu avais bien hâte que ça se fasse, mais tu prenais bien note de ses conseils. Dormir, clairement ton futur projet, mais avant, fallait que t'arrives à être sur tes deux pieds. Alors tant qu'à être là, tu avais envie de small talk, briser le silence qui te dérangeait un peu.

▬ Ça m'étonne de jamais t'avoir croiser avant. J'avais aucune idée qu'une autre collègue vivait dans cet immeuble.

Parce que la porte à côté de la tienne était celle de Ezra, un autre de tes collègues, mais quelqu'un avait qui tu avais une relation beaucoup plus amicale. Des amis au travail, mais aussi dans la vie, à passer des moments ensemble, partager des restes, écouter des films. Allais-tu avoir une telle relation avec Even un jour? Tu en avais aucune idée. Vous vous ne vous étiez jamais tant parler au travail, des banalités. La prochaine fois, tu prendrais le temps de lui apporter un café ou un petit beigne puisqu'il doit déjà apporter ses propres breuvages à voir la quantité de sac de café qu'il possède.

▬ J'espère que le reste sera autant dans tes goûts..

Mais à la simple pensée de la nourriture qui s'y trouvait, tu te déplaças rapidement à quatre pattes vers la toilette, laissant les souvenirs de la veille s'évanouir à nouveau.