Samail se plaisait comme il était.
Malgré sa petite taille,
la dégaine nonchalante que ses vêtements trop longs lui donnaient -il n'avait jamais eu l'intention d'apparaître trop aisé ou de laisser n'importe qui se douter à quoi il appartenait. Il ne se négligeait pas sans pour autant ressentir un besoin particulier de soigner son apparence, de toujours sembler en forme et bien habillé ;
mais il y avait parfois des moments, des instants où il y tenait.

Après tout,
il fallait bien paraître quand son ami Iskander l'invitait pour le dîner...

Pas qu'il cherchait à faire bonne impression -ou à l'impressionner- ; mais il ne voulait simplement pas faire tâche dans l'environnement de cet homme à ses yeux bien trop raffiné. Et dans ces moments, il y avait toujours un défi à relever ;
sa chevelure,
toujours naturellement trop en bataille pour accepter de coopérer.
Elle avait toujours été aussi volumineuse -et ça n'était pas chose facile de l'arranger alors Samail préférait rarement s'en occuper. Passer un simple coup de brosse et la laisser telle quelle, il n'y avait rien de plus -aucun effort à ajouter.

« - Bibi...
- Attends un instant Calliope. J'ai presque terminé. »

La bibichut installée sur son coussin préféré attendait ses soins de la journée ; du savon et du parfum que Samail avait spécifiquement choisi pour elle, c'était tout ce qu'elle aimait.
Elle aimait simplement qu'on s'occupe d'elle,
que Samail s'occupe d'elle parce que ce n'était pas n'importe qui qu'elle acceptait d'approcher. Et quand elle n'avait pas assez d'attention elle le lui faisait savoir, pas question d'en manquer -parfois sur ce genre de déterminations, on pouvait bien dire que tous les deux se complétaient...

Et puis ça fini
il n'avait plus qu'à regarder l'heure tourner.

Impossible de se détacher de ces objectifs lorsqu'il avait quelque chose à faire, un rendez-vous à ne pas manquer ; et parfois Samail préférait se noyer dans un ennui mortel pour être sûr de ne pas tout rater.
Amis...
Est-ce qu'on pouvait dire que c'était ce qu'Iskander et lui étaient ?
Des collègues de travail au départ, leurs passions communes les avaient rapprochés -le savoir et les choses anciennes, le conservateur n'avait pas échappé à son œil quand il avait mis pour la première fois les pieds au musée.
Mais un ami...
C'était drôle,
de se dire qu'il en avait.
Même un seul, un unique ;
parce qu'il s'était habitué à une vie éternelle de solitude -un quotidien où les gens le regardaient pour sa naissance et pas pour ce qu'il était. Il s'était fait au fait de fuir et de n'avoir que lui-même sur qui compter ; de n'avoir aucune épaule sur laquelle se reposer et aucune oreille attentive pour l'écouter. Mais parmi les choses qu'il possédait il pouvait sans difficulté distinguer tout ce qu'Iskander lui avait laissé -sans doute qu'il s'inquiétait que son quotidien ne soit pas assez aisé... Il pouvait se permettre d'offrir tout ce qu'il lui avait déjà donné.

Alors que Samail,
même s'il voulait prendre soin des autres pour ce genre de choses il n'était pas doué.
Parce qu'il ne savait pas comment faire ;
c'est sans doute ce qui arrive quand on a jamais eu personne à chérir ou aimer.

Sur la table basse il y avait une petite boite qui traînait,
un cadeau à offrir -accompagné de deux bouteilles de son vin préféré.
C'était la moindre des choses qu'il pouvait faire...
Mais pourquoi, au juste ? Sans doute pour exprimer sa reconnaissance -peut-être pour le remercier de le supporter. Lui rendre la pareille, aussi... Lui qui pourtant se moquait souvent de cette manie qu'il avait. Ça le faisait sourire, quand il y pensait.

Tic, tac...
le temps tourne et les heures chantent,
lui affalé sans grâce sur le sofa de son salon trop carré.

La tête levée pour fixer le plafond,
ces situations trop tristes qui lui rappelaient ce qu'il avait toujours détesté -au fond cet ennui, pourrait-il un jour s'en débarrasser ?
Un soupir ;
l’horloge s'agitait, il était temps d'y aller -parce qu'il ne devait pas non plus négliger son trajet. Calliope était près de lui et avait sagement fait rouler sa pokéball à ses côtés -sa manière de convaincre Samail de la laisser l'accompagner, elle n'aimait pas toujours être loin de lui même si ça signifiait rester bien cachée.
Il l'y rentra alors à l'intérieur, sans trop se faire prier ;
s'assura qu'elle soit bien enfouie dans sa poche,
et il n'avait plus qu'à s'en aller.
Il ne restait que les transports en commun à affronter -Fort-Divitia était loin mais c'était l'une des rares occasions où il avait la patience de le supporter. Dîner à l'extérieur, ou tranquillement isolés, ils n'avaient pas su se décider alors Samail avait proposé de se rejoindre chez lui en premier lieu -pour la suite ils aviseraient. Pas après pas il rompait la distance, finissait par traverser les rues de ce quartier qui ne l'avait jamais attiré... C'était là pourtant que la majorité des observateurs vivaient -mais ça lui rappelait le luxe de son chez lui à Volucité ;
et ça l'ennuyait.

Chez lui...
Est-ce qu'on pouvait réellement dire que c'était encore sa maison, alors qu'il avait fugué ?
Disparu sans prévenir,
complètement volatilisé.
Peut-être même que ses parents le pensaient mort, à l'heure qu'il était -arrivé à Novabi il ne les avait jamais recontactés.

Et puis enfin la destination atteinte ;
il sonne,
attends sur le pas de la porte jusqu'à ce qu'elle s'ouvre enfin.

« - Isk ! Toujours à l'heure à ce que je vois, je peux même pas faire semblant de m'impatienter... »
Un petit sourire joueur ;
il savait que son aîné n'aimait pas les surnoms mais difficile pour lui de ne pas en utiliser.

« - Tiens. Je t'ai trouvé un exemplaire du livre que tu m'avais emprunté la dernière fois... Vu que t'avais l'air de plutôt l'apprécier. Et puis un petit extra aussi, c'est toujours toi qui me gâte donc pour une fois j'ai décidé de m'y coller. »

A nouveau un sourire ;
ce n'était pas si fréquent de le voir débarquer aussi chargé.

Mais
c'était étrange,
parce que ça semblait si faux pour Samail d'avoir l'air si poli et raffiné.
Pourtant il l'était -mais ça n'était qu'en apparence parce que même lui n'était pas toujours convaincu par ce petit jeu qu'il jouait.