Inopia. L’île Ouest de l’archipel. Un véritable casse-tête qui, pendant vingt ans, l’a laissé de marbre. Peu de gens se rendent ici, rien d'intéressant à observer dans la sécurité de son minuscule domaine. L’île est hostile, ses biomes, sa faune, sa flore, presque tout ici cherche à vous mettre à mal. Un organisme géant ayant désigné l’humanité comme un virus et laissant son système immunitaire éliminer la menace. L’endroit parfait pour alimenter son arsenal. “Will” a de grands projets concernant Novabi, des projets terribles, qui causeront chaos, dévastation et mort. Mais, il ne reste qu’un homme, et pour parvenir à mener à bien ses sombres desseins de l’aide ne serait pas de trop. Il n’en trouverait pas parmi ses congénères bien sûr. Il l’avait bien vu, il y a de ça plusieurs jours maintenant, ce combat, il allait devoir le mener seul, ou presque. Il avait l’intime conviction qu’autre chose était tapis plus profondément que lui dans les ombres. Une autre force maligne et ayant soif de destruction. L’auteur de l’attaque du festival. Personne, groupe ou entités eldritch, cet autre prédateur mystérieux lui était inaccessible. Pour l’instant. Car, suivant l’exemple du 1er Octobre, l’ancien Observateur compte bien attirer son attention. Il payera n’importe quel tribut sanglant pour que cet autre adversaire à l’Organisation ne vienne à lui et qu’ensemble, ils fassent table rase de tout ce foutu Projet Dichotomia.

Mais nous nous égarons. Avant de mettre en place ses machinations, il lui fallait les moyens de les accomplir. Et c’est en direction du Marais de l’Aube que le terroriste en devenir a jeté son dévolu. Cet endroit rassemble une large quantité de pokémons toxiques. Des créatures suintantes ou crachantes tant de substance nocives. Des êtres naturellement hostiles aux Hommes. Des armes parfaites qu’il sait pouvoir utiliser à mauvais escient pour laisser dans son sillage bon nombre de victimes. Un premier pas à prendre dans sa descente vers l'ignominie. Il passa en revue son équipement, il n’était absolument pas adepte des balades dans la nature sauvage après tout. De la nourriture, au cas où l’escape s’éternise. Un long manteau de pluie noir et des bottes, pour faire face à l’humidité du marais. Un masque de protection respiratoire tout ce qu’il y a de plus simple, pour protéger sa carcasse maladive des effluves toxiques. Un de ces dispositifs que les rangers usent pour s’attirer les faveurs de pokémons sauvages, le Marais de l’Aube n’étant accessible que par la voie des airs, cela était essentiel. Et bien sûr, des pokéballs. Il joue avec l’une de ces sphères, pures condensé de technologie. Il n’a jamais capturé de pokémon. Et l’idée le répugne. Mais il devait se faire violence. Pour le bien de sa cause. Grimhild reste assise sur son crâne, l’observant vérifier une énième fois tous ces items avant de se préparer pour cette recherche d’un potentiel futur allié. La Bibichut somnolent auprès de son cher maître, bercée par ses noires pensées. ▬ Tu dois être prête toi aussi… Kof. Tu devras probablement te battre, pour la première fois. Elle émet un petit cri outré pour toute réponse. Comment peut-il oser penser qu’elle ne sait pas se battre ? ▬ Je ne fais qu’énoncer un fait. Kof kof. Malgré ce qui peut le plus ressembler à une excuse dans la bouche de l’inhumain, la créature psychique ne semble pouvoir faire fi de cet affront. Elle lui montrerait.

Ils descendent du Corvaillus les ayant bravement amenés ici. Wilfried fouille dans son sac afin d’offrir au brave transporteur une friandise. Il préférait que cela soit une simple transaction entre le pokémon et lui, un service contre une rémunération. Le large oiseau de proie semble apprécié cette offrande, l’engouffre dans son bec, piaillant légèrement avant de battre des ailes et reprendre son envol. Bien, ils sont là maintenant. Dans ce marais si singulier. Des arbres immenses masquent le ciel et pourtant d’autres plantes plus modestes forment une multitude de taches colorées sous cette large canopée. La bruine tombe, glisse sur les feuilles et les écorces pour venir nourrir la terre déjà humide. De ci de là, l’on entend les bruits de quelques créatures, trahissant que ce lieu abrite en son sein beaucoup de vies. Derrière son masque, les odeurs semblent atténuer. Le pétrichor de la terre. Les miasmes putrides de l’eau. Kof. Grimhild se recroqueville sur sa tête, protégée par la capuche qu’il se partage. Entre les arbres, leur silhouette unie semble telle une apparition étrange, une forme imparfaitement humaine dont la tête a des proportions grotesques. Mais qu’importe, ils ne comptent pas croiser quiconque ici. Ils entament leur quête. Will prenant soin de passer en revue les différentes sortes de créatures ayant été répertoriées ici et lesquelles pouvaient servir ses plans. Le poison pouvant prendre bien des formes, chacun pouvant avoir ses avantages… Et inconvénients. Kof kof. Après une heure de déambulation, il s’arrête. Prenant appui sur l’un des arbres, peinant à reprendre son souffle. Chaque bouffée d’air ici est teintée de toxine. Chaque pas est un effort constant, une lutte face à la terre gorgée d’eau qui vous happe et entraîne trop profondément. Rien de bien donc pour ce cancéreux famélique. Mais même si la fatigue brise son corps et la pestilence détruit plus encore ses poumons, il se doit de continuer. Il reprend sa marche, Grimhild, silencieuse, cache au mieux son inquiétude. Elle craint qu’il n’ait fait une erreur de calcul, qu’il n’est vu trop grand, trop d’ambition pour ses propres capacités.

Ils se figent. Interdit face à ce qui se présente quelques mètres devant eux. Un amas de couleurs criardes avec à sa suite une ombre d’un violet agressant leurs pupilles plus violemment que les relents putrides du marais. Un Grotadmorv, un homme à sa suite, enveloppé dans une étrange fumée pourpre. Il reste là, ne sachant vraiment réagir lorsque l’on rencontre autrui au milieu de nulle part. Il reste là, face à ce duo coloré, silencieux. Ou presque.

Kof kof kof.

Il observe perplexe l’individu face à lui. Un chercheur d'après ses dires. Jacob Sarl. “Wilfried” garde n’a pour réponse que sa toux qui semble devenir plus grasse au fil des minutes dans ce marais. Son masque lui colle au visage, si bien qu’il semble suffoquer plus encore. Les couleurs autour de lui se brouillent et tournent, si bien qu’il essaye de prendre appui contre un arbre non loin. Il manque de tomber au sol, ayant mal jaugé la distance le séparant de l’écorce salvatrice offrant un moment de répit. Quelque chose n’allait vraiment pas. Que ce soit l’étrange dispositif sur le dos de ce Jacob ou simplement les effluves du marais en lui-même, quelque chose enflammait ses poumons plus qu’à l’accoutumée. Keurf keurf keurf. Il essaye de reprendre son souffle, sa voix cassée lâchant faiblement entre ses quintes de toux affreuses. ▬ Will. Il est trop éreinté pour penser à jouer un rôle, ou à réfléchir simplement. Son appui devient vital lorsqu’il finit par se laisser tomber contre lui, glissant le long du tronc pour s'asseoir lentement sur le sol humide de ce lieu maudit. Il sent le goût ferreux du sang dans sa bouche. Son index se glisse entre sa peau et le masque, l’écartant juste assez pour lui permettre de cracher le liquide carmin qui emplissait sa gorge irritée. Keurf. ▬ Avec… Ou sans ton truc, je crève de toute façon.

La toux et le vertige passent maintenant qu’il est posé. Grimhild s'était décollée de son crâne, debout fièrement entre lui, le chercheur et ses deux pokémons. Elle n’a de toute évidence pas confiance en cet étranger. Elle n’a confiance en personne. Elle se dresse entre son partenaire souffrant et ce qu’elle perçoit comme une éventuelle menace, prête à se jeter sur eux, quand bien même elle était en nette infériorité numérique. Calmement, la main de l’ancien de l’Organisation vint se poser sur la Bibichut, relâchant un peu la pression et la ramenant près de lui. Elle ne peut rien face à eux, pas la peine de s’y risquer pour rien. Le cancéreux observe un peu mieux cet autre humain dont l’allure lui semble à la fois étrange et parfaitement coller avec ce lieu putride. Lui aussi avait un air tout aussi éreinté par une hygiène de vie déplorable et une connaissance approximative des normes sociales. Kof kof. Un second crachat gorgé de sang vint se perdre dans la boue. Il a l’impression d’avoir couru un marathon, même s’il n’avait jamais fait pareille épreuve de sa vie. Sa poitrine le torture, une vive douleur tournant encore et encore au rythme de sa respiration. Et il se sent bien incapable de se lever à nouveau, ses jambes sont trop faibles pour supporter son poids. ▬ Tu cherches quoi ? La question est lâchée avec une véhémence non-maîtrisée qui le surprend lui-même. La douleur et la fatigue l’empêchent d’avoir une bonne prise sur le masque impassible qu’il porte en toute circonstance. Un masque cachant sa haine sincère et profonde du genre humain. ▬ Je veux dire. Kof kof. Tu es quel genre de chercheur ? On rattrape les meubles comme on peut. Il n’est clairement pas en état de se battre avec ce type, il a l’avantage du nombre et de la santé, donc mieux vaut éviter complètement l’antagoniser. Et qui sait, même si la chance est infime, il se peut qu’il soit plus intéressant qu’il ne le pense.

Il est trop faible pour faire quoi que ce soit. Il reste inerte, à la merci de cet homme qui, sans plus de questions, commence à l’aider. Wilfried reste confus par cet acte si simple pourtant. Pourquoi se donner la peine d’aider autrui ? Pourquoi ce Jacob n’avait pas simplement continuer sa route ? Perdu au milieu de ce marais, son corps n’aurait probablement pas été retrouvé avant un bon moment, si ce n’est jamais. Ce sauvetage cache-t-il d'autres intentions ? Son esprit, incapable de la moindre empathie, ne pouvait concevoir que les humains puissent simplement agir comme cela. Alors que le “chercheur” s’approche, le mourant sent sous sa main Grimhild, son petit corps pulsant sous une puissante rafale psychique qui n’attendait que le bon moment pour être relâché sur cet ennemi. Amusant, qu’un être aussi petit puisse cacher un pouvoir aussi vaste. Keurf. Une autre toux emplit de sang. Il doit rester lucide, même s’il ne peut l’admettre complètement, il va droit à sa mort si rien n’est fait. Et ce Jacod représente la seule issue possible. La poigne de l’ancien Observateur se referme un peu plus sur sa Bibichut. Un ordre silencieux, faisant comprendre au pokémon psychique qu’elle devait rester calme et laisser cet inconnu en paix. Assis contre son arbre, et potentielle stèle, il hoche lentement la tête pour donner son aval à cet autre élancé dans le sauvetage de sa vie.

Il n’avait pas vraiment répondu à sa question. Et tandis que ce Jacob s'échine à libérer ses voies respiratoires, il l’observe et pense. Il agit comme un médecin. Mais il ne s’est pas présenté comme tel. “Chercheur” est un terme bien différent après tout. À chaque à-coup qu’il exerce sur son corps maladif, Will laisse les engrenages analytiques de son esprit faire leurs propres calculs. Outre son savoir médical, il possède également des connaissances en chimie bien plus poussées que les siennes. De par son éducation, il avait lui-même certaines bases, il connaissait par exemple ce fameux monoxyde d’azote qu’il avait produit grâce à son pokémon. Un gaz incolore, assez facile à créer et pouvant avoir des applications… Intéressantes dans le domaine d’expertise du terroriste. Un gaz nocif, car capable de se transformer en acide au contact des parties les plus humides de l’Homme. Infligeant à la pauvre âme exposée trop longtemps un supplice bien plus terrible que ce qu’il connaît actuellement. Il savait que les connaissances qu’on lui avait inculquées n’étaient pas complètes, des brides de savoir et comment les appliqués de façon à causer du tort à autrui. Il n’aurait toutefois jamais imaginé qu’un gaz capable de réduire les poumons de ses victimes à néant était également capable de le soigner. Mais un autre calcul s'était fait dans son esprit concernant cet homme lui prodiguant des soins. Il a mentionné un laboratoire. Un endroit pouvant avoir son utilité. Créer des bombes dans un taudis est possible, mais affreusement dangereux. Et rien de sophistiqué ne peut être produit ainsi. Tandis que dans un lieu de science, avec les outils adéquats, le champ morbide des possibles s’élargissait drastiquement. Il était venu ici pour se trouver un nouvel allié, un être capable de l’aider dans ses noirs desseins, un pokémon toxique… Mais… Peut-être qu’il avait trouvé un autre acteur, différent de ses attentes, certes, mais qu'il pourrait ajouter tout de même à sa pièce. Quelqu'un qui pourrait être un allié, ou à défaut, un outil pour mener tout Novabi à sa perte. Il le fixe de ses yeux irrités et morts. Le fixe alors que ses manœuvres lui fêlent les côtes. Alors que le sang obstruant sa gorge ne soit enfin purgé. Le fixe alors que sa voix éraillée et monotone ne s’échappe de sa bouche sanglante. ▬ Merci beaucoup Jacob. Kof kof.

Et tandis que cet étrange chercheur continuait de veiller sur son infortuné patient, le marais continuait sa vie. Leurs bruits ayant attiré l’attention de quelques habitants du lieu.