Au diable tout !

Tout le monde, tu en avais marre !
À force de te faire crier dessus par des monsieurs aux cheveux gras qui ne voyaient pas les larmes perler au rebord de tes yeux car tu n’avais pas un item en stock, ou que tu avais eu le malheur de redonner un Pokédollar au lieu de deux. Tu ne comprenais pas la véritable méchanceté avant de l’avoir vécue derrière le comptoir caisse – et tu commençais à ne plus savoir où rejeter cette énergie négative que l’on te faisait subir.

Ton job, malheureusement, ne t’amenait plus le bonheur que tu avais ressenti pendant deux ans. Et certes, la nourriture ne te coûtait pas cher là-bas, mais à quel prix ?
Tu avais cherché un autre emploi, loin de la clientèle. Mais la vérité, c’était que sans études et sans talent, c’était beaucoup plus compliqué que tu ne pensais. Alors tu avais commencé à chercher un peu plus loin et puis…

Devenir l’assistante d’une socialiste, sans expérience requise ? Pourquoi pas. Tu n’avais pas de voiture, mais tu devais pouvoir gérer sans. Et puis, subir les caprices d’une femme un peu trop riche pour son propre bien, c’était sans doute beaucoup moins exaspérant que de subir les grassouillets malpropres qui aiment les anime…

Tu avais pris la peine de t’habiller proprement- enfin, tu avais essayé au mieux. Cotonelle t’avait bien aidée à agencer le style et les couleurs, et tu avais pris la peine de remercier ton petit Pokémon grâce à des gratouilles.

« Si tu veux, on passera à la boutique pour t’acheter des craquelins Pandespiègle à la vanille… T’en dis quoi ? »

Un petit couinement content et la petite créature t’accompagnait à la porte. Une porte qu’elle retenait, d’ailleurs. Tu clignais des yeux, en penchant la tête sur le côté.

« Tu veux venir avec moi ? Hmmm… c’est vrai que j’ai besoin d’aide pour ramener ce cabaret de boissons et mon sac… Et puis, tu ne trouves pas qu’il fait beaucoup trop beau pour te laisser dehors ? Je ne sais pas si mademoiselle Lodge accepte la présence de Pokémon de compagnie, mais je suis certaine qu’elle fera une exception pour toi ! »

Ta petite Chinchidou semblait retrouver directement cette lueur enjouée dans son regard alors qu’elle sautillait sur elle-même. Tu venais enfiler rapidement tes Mary Janes noires ornées de dentelles avant de te jeter un dernier coup d’œil satisfait dans le miroir.
C’était parfait, non ?
Avant de terminer, tu venais confier le cabaret qui contenait les deux boissons que tu avais créées toi-même avec quelques ingrédients dénichés au commerce de proximité.

« Fais attention à ne pas tout renverser, d’accord ? Mademoiselle Lodge a demandé un brevage format Venti, c’est-à-dire exactement 591ml, pas un de plus ni de moins. Tu peux y arriver, j’en suis certaine ! »

Et tu avais même pris de l’avance !
Après un bref trajet en transports en commun, tu étais finalement arrivée au café de Roquarelle où cette socialiste tenait ses entrevues. Et sur la terrasse, tu pouvais apercevoir sa crinière blonde et sa très grande prestance.

Elle… te faisait un peu peur, pour ne pas dire. Soudainement, tu te sentais encore plus petite dans tes Mary Janes.
Peut-être que tes cheveux attachés en nattes ne convenaient pas ? Tu prenais ta petite avance pour les détacher, venir rapidement les tresser sur le côtés et les orner d’un de tes rubans rouges. Tu regardais Cotonelle.

« Tu crois que ça va, maintenant ? »

Ta Chinchidou te faisait un petit signe de la tête positif, et tu soufflais de soulagement, en la débarrassant du cabaret qui contenait les breuvages.
C’était maintenant ou jamais : l’opportunité qui changerait ta vie à tout jamais !
Et tu étais ponctuelle, tu mettais les pieds devant cette femme à l’heure pile. Pas une minute de plus, ni de moins.

« Bonjour, mademoiselle Lodge. Agnès… Hum, je veux dire ! Je m’appelle Agnès Isadore, et nous avions rendez-vous aujourd’hui. Vous me permettez de m’asseoir ? »

Tu venais doucement lui tendre le cabaret qui contenait les deux breuvages.

« Je me suis dit que nous pouvions partager une discussion autour d’un breuvage… Je les ai faits moi-même; et le votre, c’est celui dans le cup de droite. Ce n’est pas un breuvage de Staribucks, mais il contient tout ce que vous avez demandé. 591ml exactement; limonade d’hibiscus, avec moitié de glace, thé noir, six pompes de chaï, six pompes de miel, crème, lait de coco, foam mais juste un peu, poudre de cannelle mais pas trop. Il y a également des mûres fraîches et exactement trois morceaux de fruits du dragon… Oh ! Et bien sûr, je me suis assurée que la crème soit légère. Vous me direz ce que vous en pensez ! »

Et tu venais déposer une petite boîte enveloppée d’un ruban rose à motifs de Flambinos sur la table.

« Je n’avais malheureusement pas les connaissances pour faire un pain au citron, mais j’ai fait des macarons au citron. Le centre, c’est de la meringue, légère bien sûr. Vous n’êtes pas obligée d’en prendre, mais ils sont pour vous ! »

Tu n’aimais pas trop le citron, à vrai dire.
Pour terminer, tu venais lui donner une pochette rose recouverte de paillettes, avec la lettre A imprimée dessus.

« Et voici mon CV, plastifié évidemment, comme demandé. Si vous des questions sur un des titres ou postes que j’ai occupés, n’hésitez pas ! »

Ton CV était plutôt vide; hors de tes cours de cuisine et de couture, ton lycée et ton travail actuel, il ne contenait pas grand-chose. Et pourtant, tu rayonnais étrangement de confiance; tu pourrais éblouir n’importe qui avec ton grand sourire ! Et si cette Madelyn te scrutait de haut en bas, tu cachais assez bien ta nervosité en gardant tes mains tremblantes contre tes cuisses, attendant qu’elle ne débute cet entretien…

Que les hostilités commencent. Mais pas trop, quand même… non ?

Que lui valait l’honneur d’une boisson faite maison ? Tu venais légèrement ricaner.

« Eh bien… vous précisez dans la description de l’emploi qu’un assistant ne doit jamais arriver les mains vides. Et puis, qui sait si c’est réellement de la crème légère qu’ils mettent, au Staribucks ? Je préfère offrir la vraie qualité, et pas des trucs transformés… »

Travailler avec de la nourriture préemballée et ces longues nuits à manger des ramen du commerce de proximité, ça t’a fait réaliser beaucoup de choses par rapport à la valeur nutritive. Et surtout, tu surveillais ton poids d’assez près pour éviter d’avoir à refaire toute ta garde-robe…

Elle te complimentait, tu n’avais aucun doute sur tes habiletés, mais tu prenais ce compliment assez fièrement, alors que ton sourire s’agrandissait sur ton visage. Elle te disait aussi être étonnée que le CV ne soit pas rose, ce à quoi tu riais de façon un peu timide.

« Oh, j’aime bien quand l’esthétisme vient se joindre à ma personnalité. Mais je ne vois pas très bien les couleurs… »

Tu n’avais pas pris le message, Agnès. Et tu voulais fondre dans ta chaise à cet instant, surtout après avoir vu cet œil azuré qui te transperçait. Oh, si un regard pouvait tuer, tu serais morte sur le coup, chose certaine…

Elle te demandait où tu travaillais. Tu te redressais légèrement, pour reprendre tes esprits et du poil de la bête. Tu ne laisserais pas une maladresse t’abattre, oh non !

« Je travaille pour Mochi Market, un commerce de proximité d’imports Kantonais. Mon travail, c’est surtout un service à la clientèle impeccable ainsi que l’entretien très assidu du commerce. Mon patron est très satisfait de mes compétences et mes performances ! »

Tu la voyais piocher dans les macarons, et ça t’a pris tout le contrôle de toi-même possible pour retenir ton grand sourire de fendre ton visage. Elle te posait une question à laquelle tu n’avais pas trop réfléchi, et donc, tu te disais que tu pouvais y aller avec ce qui te semblait logique.
Si tu répondais honnêtement, tu ne ferais que lui dire que tu en avais marre de ces moches irrespectueux !

« Vous savez, Mademoiselle Lodge… J’adore être au service des gens, mais mon travail est assez répétitif. Je cherche à développer de nouvelles compétences dans mon domaine; toucher plus loin et obtenir des responsabilités. Malheureusement, à mon emploi actuel, il est difficile de me rendre plus haut. »

Tu venais croiser les jambes.

« Malgré mon jeune âge, je crois que j’ai ce qu’il faut pour être votre assistante, mademoiselle Lodge ! Je suis polie, ponctuelle, serviable et j’ai une très bonne mémoire. J’arriverai à me souvenir de tous les petits détails, comme ça, vous n’aurez pas à le faire. »

Oh, tu tentais de vendre ta salade comme tu le pouvais, mais cette Madelyn ne semblait pas plus impressionnée que ça. Sa prestance et ses airs froids te terrifiaient; tu sentais un frisson désagréable parcourir ton dos, soudainement.
…Ah, non, il s’agissait juste de cette petite Zorua qui venait doucement frotter son museau contre tes jambes. Tu ne pouvais t’empêcher de sourire, en tendant ta main pour lui permettre de te renifler. Le Pokémon venait presser sa tête contre tes doigts, c’était signe que tu avais la permission de le caresser !

« Mignon… »

Tu venais lui gratouiller les oreilles, et le Zorua grognait doucement de plaisir. Tu ne pouvais t’empêcher de sourire; enfin, jusqu’à voir l’expression faciale de Madelyn, à laquelle se mêlait surprise et… colère ? Tu ne pouvais discerner cette seconde émotion.

« Oh ! Pardon, je ne pouvais pas le toucher ? Désolée, il semble si affectueux… »