corpse flower
La chaleur ne te faisait jamais bien. Mais le vent automnal se levait doucement sur Roquarelle, faisant tourner les feuilles. Certaines d’entre elles, sur l’arbre plongeant sur la fenêtre ensoleillée de ta chambre, commençaient déjà à jaunir, appuyant l’approche rapide du mois de Septembre.
L’été, il était passé comme un flash, venant enchaîner ainsi une deuxième bougie sur ton gâteau d’anniversaire Novabien. Et d’ailleurs, tu étais beaucoup plus sorti. Tu avais renoué doucement avec Louis, cet ami d’enfance que tu croyais oublié. Tu as participé au festival des glycines avec ton amie Madelyn, où tu avais fait la connaissance d’Helia.
Helia, oui.
Un simple sourire venait effleurer tes lèvres alors que tu pensais à elle. Sa compagnie était comme la brise du matin après une nuit pluvieuse pour toi. Sa douceur et sa sensibilité t’avaient particulièrement touché, te menant à croire que vous vous ressembliez. Helia te comprenait, elle ne te jugeait pas. Elle ne te trouvais pas étrange.
Vous étiez deux âmes incomprises, à la recherche de bras chaleureux et fragiles où vous pourriez vous réconforter.
Et si ces bras fragiles, ils étaient ceux de l’un et l’autre ?
Tu secouais la tête pour toi-même, perdu dans tes songes. Tu te rappelais que tu t’étais perdu dans un des petits parcs locaux de Roquarelle, alors que ton seul objectif de la journée était d’aller chercher des chips à l’épicerie, façon de combler une petite fringale bien précise qui te chicotait. Tu retirais l’un de tes écouteurs et tu venais soupirer lourdement.
« Ah… »
Oui, pas de doute, tu t’étais bien perdu. Ça t’apprendra à te déplacer sans regarder où tu vas. Ludwig la lune, Ingrid t’aurait dit. Car comme d’habitude, tu t’étais perdu dans la ville à force de te perdre dans tes propres songes…
Tu regardais autour de toi, à la recherche d’un point de repère familier. Malheureusement pour toi, c’était difficile de reconnaître tes environs. Le parc était désert, dans un point rond probablement très résidentiel de la petite ville que tu habitais. Pas de passants, pas de bruits, juste les insectes qui chantonnaient sous la chaleur de l’été.
Au diable.
Tu prenais ton téléphone pour tirer les directions de ta poche. À ta malencontreuse surprise, l’écran tournait directement au noir et la musique cessait dans tes oreilles. Les piles étaient déjà vides, vraiment ?
Quelle poisse.
Toi qui n’était jamais vraiment chanceux dans la vie, elle n’était pas de ton côté aujourd’hui, c’était le cas de le dire. Exaspéré, tu délaissais une passagère panique pour aller t’asseoir sur une balançoire, histoire de prendre une pause et réfléchir à une potentielle solution.
Et tu réfléchis.
Peut-être rejoindre une rue passante ? Et suivre le courant jusqu’à ce que tu ne croises la rue où tu te reconnaissais ? Ça pouvait être une solution.
Demander à un étranger pour les directions. Quel étranger ?
Tu relevais les yeux. Il n’y avait personne ici. Tu étais seul dans ce parc abandonné, mais pourtant entretenu. Une solitude qui t’était presque poétique, avec ce coucher de soleil. Le genre qui t’inspirait.
Tu balayais le paysage de ton regard d’amazonite, jusqu’à ce tu ne verrouilles tes yeux sur un piano public. Le genre barbouillé de graffitis et probablement mal accordé. Et c’est à cet instant que tu déconnectais de la réalité. Tu avais l’impression d’être dans une cinématique, comme si ton amour de la musique t’appelait. Tu pouvais sentir tes doigts s’engourdir, ton cœur s’emballer, et surtout, tu pouvais entendre Louis dans ta tête…
« Foutaise. Quand l'on possède un don comme le tien, c'est criminel de le laisser prendre la poussière dans un vieux tiroir. »
Il avait raison, Louis, non ?
Juste quelques notes…
Tu te relevais de ton siège improvisé pour t’approcher du vieil instrument endommagé par les intempéries. Tu prenais une inspiration alors que tu laissais tes doigts caresser doucement les touches. Tu souriais légèrement.
Ça faisait tellement longtemps.
Tu regardais rapidement autour de toi, inquiet. Mais tu fus rapidement rassuré par l’absence de passants, que tu tirais sur le banc de piano pour t’installer. Et sans même réfléchir, tu venais te laisser bercer par l’inspiration.
Une note hésitante, puis deux, puis neuf…
Que tu te laissais emporter par cette douce mélodie, comme si le reste du monde n’existait pas. Comme si le destin t’avait mis là. Un hasard qui n’était qu’un bonheur passager.
Une mélodie douce, une fois qui serait la dernière, tu te disais.
Ludwig, tu sais tout comme moi qu’une passion ne meurt pas. Et un talent comme le tien, quand tu y mets du cœur, ça parle.
Ça parle.
FT. Ludwig Winter
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