C’était plutôt agréable, d’avoir une liberté partielle. Même si faire les courses la veille m’avait donné une envie de meurtre, je n’avais pas cédé à des injures, je n’avais même pas pesté !

Je crois qu’un nouvel environnement était ce qu’il me fallait. Je n’osais pas réellement l’avouer, mais j’étais bien, à Fort-Divitia. Je pouvais dormir la conscience tranquille, sans avoir l’impression qu’on me surveillait. J’avais accès à plusieurs choses normales; dont des couvertures confortables et douillettes. Je les partageais avec Tomo, il semblait beaucoup apprécier la couette en fleece !

Si la visite au Parc National ne s’était pas passée comme prévu, disons que j’avais pu prendre deux jours pour me remettre de ce que j’avais vu. Et finalement ? J’ai accompli deux choses, aujourd’hui.
J’ai pu enfin retirer mon atèle pour mon épaule luxée, à l’hôpital.
Et nous sommes passés au refuge Pokémon. Comme je l’avais toujours rêvé.

J’étais un peu déçu de voir qu’un des Pokémon que j’avais le plus en vue avait été adopté, mais je suis reparti avec la plus adorable des oursonnes.
Une petite Polarhume timide et effrayée. J’étais plutôt curieux par son comportement.

Une balade en voiture plus tard, nous étions de retour chez Elijah. Et j’étais à plat ventre sur le parquet de son salon, à observer les comportements de mon oursonne. Naturellement, mon premier instinct était de la réchauffer; elle tremblait si fort !

Je lui avais fait une bouillotte d’eau chaude et même que je lui avais permis de partager notre nouvelle couverture préférée, à Tomo et moi. La jeune oursonne s’y était doucement blottie, j’avais remarqué que ses tremblements avaient diminué. Ça devait fonctionner !

Nous firmes interrompus dans notre échange par Elijah qui me disait que les Polarhume étaient bel et bien faits pour vivre dans les grands froids, ce qui me semblait logique effectivement. Je penchais un peu la tête sur le côté, en offrant à mon intervenant un coin de regard.

« Vraiment ? Elle me fait pitié, à trembler comme ça… »

Une étrange pensée de culpabilité venait effleurer mon esprit.

« Tu crois que je lui fais peur…? »

Qu’elle pouvait le sentir ?
L’incident avec l’Evoli.
(Je devais trop réfléchir…)

Je lui retirais la bouillotte pour venir la glisser contre mon dos, mais je laissais la couverture à ma petite oursonne, prenant appui contre mes coudes alors que je soupirais de bien-être sous la chaleur.
Vraiment… le froid commençait à doucement s’installer et je me sentais frigorifié.

Je venais glisser ma main sous la couverture, venant piquer la curiosité de la Polarhume, qui faisait doucement agiter ses petites pattes. Et rapidement, elle se mettait à tenter d’attraper ma main sous la couverture, de façon joviale et joueuse.
J’en esquissais un sourire alors que je pouvais ressentir une euphorie éphémère.

« Je pense que je suis content… »

Ça venait compenser pour mon injuste deuil de l’Evoli, d’avoir un nouveau Pokémon dans mon équipe.
Et d’ailleurs, mes nouveaux compagnons semblaient adorer leur vie chez Elijah. Tomo pouvait regarder des dessins animés sur l’écran plat, il avait pris la manette en otage d’ailleurs.
Nous étions condamnés à regarder des dessins animés jusqu’à la fin de nos jours.

Et Hanayo ?
Bah, elle s’était logée au cœur d’un panier à plantes suspendus dans lequel Elijah avait laissé mourir une plante verte, et elle y faisait tout bonnement la sieste. Ça, c’était lorsqu’elle n’était pas occupée à venir faire des câlins à Bonnie, la Laporeille de mon intervenant. Elles s’entendaient vraiment très bien, de nouvelles meilleures amies, j’avais l’impression.

Peut-être qu’elle appréciait l’odeur d’Hanayo ?

Qui sait.

Tomo venait enclencher un épisode de Shawn le Moumouton, que je soupirais en entendant à nouveau cet insupportable générique. J’échangeais un regard avec Elijah, que je tendais la main vers Tomo pour qu’il me rendre la manette.

« Tu n’as pas envie de mettre en sourdine, Tomo ? Ou de regarder autre chose ? On a déjà vu cet épisode-là… »

En guise de réponse, mon Rondoudou venait me mettre une gifle sur le dos de ma main, en venant me disputer dans son petit dialecte bien à lui.
Je n’avais pas compris, mais j’avais bien vu qu’il était en colère. Et je fronçais les sourcils, en me redressant.

« Pff !! C’est ça, fais à ta tête ! De toute façon, il n’y aura plus de Shawn le Moumouton quand on rentrera à Sinnith. »

Je pestais alors que je venais tourner les talons vers la cuisine, ayant un cruel besoin de souffler, au risque d’en faire des nuggets de Rondoudou…

J’avais l’impression qu’on s’adressait à moi comme un enfant. Et je n’avais aucune idée de comment le prendre.
J’écoutais Elijah, et plus je l’écoutais, j’en fronçais légèrement les sourcils, déviant mon attention ailleurs.
Ce n’était pas ma faute ? Pourtant, j’avais cette impression.
Mais au lieu de continuer à prêter attention aux détails, je venais doucement serrer mon oursonne dans mes bras, d’une étreinte protectrice. Et doucement, dans mon dialecte natal, je venais lui souffler « Je ne te ferai jamais de mal, promis. »

Je voulais aller mieux.
Les gens, je m’en fichais. L’être humain est si dégueulasse qu’il mérite de souffrir autant que possible, à mes yeux.
Mais les Pokémon ?
Je ne leur veux pas de mal. Pas depuis l’incident de l’Evoli.

…même si Tomo venait me faire perdre mon peu de patience.

D’un élan telle une Chevroum, je m’étais levé pour prendre l’air depuis la fenêtre adjointe au comptoir de la cuisine d’Elijah. Si je m’assoyais sur le comptoir, je pouvais avoir la brise fraîche de Fort-Divitia contre mes joues, et juste ça, ça me calmait.
Prendre un peu d’air.

M’éloigner de Sinnith me faisait réaliser que je suis une personne assez simple, en réalité. Exister et prendre plaisir aux petites choses qui m’ont été cruellement arrachées à mon adolescence m’ont fait prendre conscience que la vie n’était pas totalement cruelle, laide et injuste.
Mais lorsque je reviendrai à Sinnith ?

Les choses seront sombres à nouveau.

Elijah mit le pied dans la cuisine, faisant mine d’ouvrir la porte du frigo; je me doutais que c’était pour me surveiller, car vous comprendrez que sa maison n’était pas encore ‘Michi-Proof’; j’avais beaucoup plus de liberté que je n’en avais jamais eue depuis mon arrivée à Novabi. Et depuis mes restrictions moindres, mes envies meurtrières avaient largement diminué.

Il me demandait si j’allais bien. J’haussais simplement les épaules, en venant brièvement hocher la tête.

« L’ai-je déjà été ? »

Je venais prendre appui contre la moulure de la fenêtre, laissant la brise automnale ainsi que le soleil de fin d’après-midi venir me caresser les joues, alors que je me laissais perdre dans le paysage qui me faisait face. Et si je sentais le regard soutenu d’Elijah sur moi, je lui offrais mes améthystes, bien que je les déviais rapidement alors que je sentais les rougeurs tapisser mes joues.

« Me fixe pas comme ça, t’as l’air stupide. Il y a autre chose à regarder… »

Je soupirais, reposant mon attention vers les feuilles légèrement rougies.

« On n’a pas ce genre de vue et de flore, à Sinnith. T’as vraiment de la chance, tu sais ça ? »

Peut-être que mes paroles l’avaient pris de court. Peu importe; parfois, j’avais l’impression qu’Elijah n’avait pas grand-chose dans la tête. Ça m’importait peu.
Mais une partie de moi se disait qu’il essayait très fort de comprendre. Et juste ça, ça mettait un baume sur mon cœur. La compréhension plutôt que la punition.

Je pense que je commençais à m’y faire. Et je commençais à prendre le danger d’abaisser ma garde autour de lui. La vie me dirait si je faisais le bon choix, ou si je me tirais dans le pied.
Quoiqu’il en serait, j’acceptais la conséquence de ce que mes choix en suivraient.