Tu tenais cette lettre de recommandation entre tes mains, une lettre de la part de l'officier Elijah Gregory Lawrence.
Une lettre signée par la Professeure Celosia Willow elle-même, ainsi que l'officier Lawrence.
Une double preuve. Comme quoi cet homme n'était pas complètement perdu de son bon sens; la personne qu'il recommandait était sur la bonne voie, celle du changement.

Un citoyen à problèmes devait se réintégrer dans la société.
Et apparemment, le refuge faisait partie des endroits qui piquaient son intérêt.
Le refuge manquait cruellement de bénévoles, certes. Mais il ne s'agissait pas d'un lieu psycho-éducatif…
N'est ce pas ?

Mais cet officier croyait dur comme fer.
Le refuge était l'endroit destiné à permettre à ce jeune homme de toucher doucement au monde du travail. Ce serait un apprentissage, certes, mais ce n'était pas impossible.

Tu avais convoqué tous tes employés et bénévoles du refuge pour leur parler de cette personne spéciale qui se joindrait à ton équipe. Et si ton staff ne semblait pas des plus enchantés à l'idée de faire affaire avec une véritable bombe à retardement, tu devrais trancher; ce garçon devait suivre une formation et être guidé.

« Et comme convenu, la personne sera compensée ou payée pour son temps, évidemment. Donc… aurais-je des volontaires ? »

Le silence planait sur votre tablée alors que tu soupirais légèrement.

« Je suppose que vous avez tous lu le dossier de ce garçon… Je vous rassure, sa lettre de recommendation offre un tout autre discours. »

Mais tes arguments ne semblaient pas convaincre le staff; personne n'était assez suicidaire pour apprivoiser le Johtoïte délinquant.
Enfin, ce n'était jusqu'à ce qu'une retardataire n'intervienne comme une bonne Samaritaine ; Violette, une bénévole spécialisée en comportement des Pokémon, venait tout juste d'ouvrir la porte sur la réunion, éclairant ton visage d'un immense sourire.

« Tiens ! Violette, tu tombes à pic ! J'ai une tâche parfaite pour toi… »

Parce qu'après tout, gérer un Pokémon agressif ou gérer un gamin agressif… c'était sans doute la même chose !

…non ?



J'avais mis le pied en-dehors de la voiture d'Elijah que je me sentais déjà nerveux.
Oh, pour aujourd'hui, il acceptait de venir me déposer au refuge, et de venir me chercher après ma journée. Mais à compter de demain, je dépendrais des transports en commun.

L'idée de côtoyer des gens sur une base régulière me rendait particulièrement anxieux; mais je me disais, je pouvais essayer. Et puis, avec un peu de chance, je côtoyais des Pokémon plutôt que des humains. C'était ainsi qu'Elijah avait convenu l'entente. Le contact avec le staff était minimal, mais je pourrais avoir des petites responsabilités qui me mettaient dans le bain.

Je devais faire ça tout seul.
Apprendre à me gérer.

Ce n'était pas une chose facile, mais mes dernières sorties avaient été relativement positives. Ça n'effacera jamais le passé, mais si je pouvais faire un pas à l'avant…

Un pas à l'avant, tout comme je mettais un pied dans le refuge. Je posais les yeux sur un homme de grande taille, qui m'accueillait avec son étrange sourire.
Je pouvais percevoir la méfiance dans ses yeux.

« Bonjour ! Tu es bien Michi, n'est-ce pas ? Je m'appelle Shawn, je suis le directeur et propriétaire du refuge Pokémon. Ravi de te rencontrer ! »

Tant de familiarité pour une première fois.
Ces Unyssiens étaient presque grossiers.
Étrangement, il me tendait la main. Je ne comprenais pas réellement ce qu'il voulait que je glisse dans sa main. Alors je ne fis que m'incliner, aussi bas que possible, pour lui montrer mon respect.

« Enchanté, j'espère que nous travaillerons bien ensemble. »

Une barrière culturelle à laquelle Shawn semblait s'habituer, puisqu'il rangeait sa main pour venir brièvement et maladroitement m'imiter.
Je le pardonnais.

Il m'invitait à le suivre. Nous empruntions un long corridor dans lequel je pouvais voir quelques salles quelconques.
Shawn m'avait attribué un casier.
Mon casier.
J'avais le droit à un tel honneur ?

Une fois arrivé dans le bureau de Shawn, il ouvrait la porte sur une jeune femme assise sur la chaise qui lui faisait face. Une jeune femme avec de longs cheveux d'ébène, ondulés. Lorsqu'elle se retournait vers moi, je sentais la pression me prendre au ventre.
Je m'en frottais l'index et le pouce.

« Michi, voici Violette, une de nos meilleures bénévoles. Ce sera elle qui s'occupera de ta formation dans les prochains jours au refuge ! »

Un simple sourire que je m'inclinais doucement pour la saluer.

« Enchanté, Violette. »

J'espérais que nous nous entendrions.
Malgré mon tempérament… court.

Shawn semblait content que nous fassions connaissance; Son appréhension semblait doucement retomber en voyant mes réactions positives.
Que craignait-il donc ?
Je n'étais pas un monstre.

« Je pense que je peux vous laisser à vos occupations, donc ! S'il y a un problème, Violette, n'hésite pas. Peu importe, hein ! Tu peux demander de l'aide si une situation semble trop difficile. »

Un rire nerveux il dégageait, alors qu'il déviait le pas vers la porte. Pour se retourner vers nous et forcer un sourire.

« Ne faites pas trop de bêtises ! À plus tard, j'attends ton rapport, Violette. »

Il refermait cette dite porte.
Me laissant seul avec cette femme.
Cette femme qui me surplombait en taille et en expérience.
Un silence planait entre nous, j'avais toujours un peu de mal à initier les choses. Mais je retournais la tête vers elle.

« Je suppose que Shawn n'est pas habitué à accueillir de nouveaux bénévoles, n'est-ce pas ? Vous semblez être une équipe très proche. »

Un simple rictus que je secouais brièvement la tête, faisant un très léger signe de la main.

« Enfin ! Pardonnez mon indiscrétion, Violette. J'ai hâte d'apprendre avec vous. Par où est-ce que nous commençons ? »

Je n’avais pas réellement d’opinion de Violette.
Elle me semblait être comme moi; avec ses perçages, sa couleur de cheveux qui se différenciait des autres. Je souris légèrement lorsqu’elle s’inclinait; enfin quelqu’un qui pouvait mieux comprendre ma façon de me présenter.

Shawn quittait la pièce, ce qui me fit soupirer avant que nous entamions la discussion qui s’en suivit. Violette me rassurait, me disant de ne pas trop m’en faire; ma présence ne dérangeait guère.
Je gardais ce sourire forcé alors que je penchais doucement la tête sur le côté.

« Pardon, j’ai eu la simple impression de déranger ou de causer du désagrément. Je suppose que, comme vous le dites, aimer les Pokémon passe avant les qualités sociales. »

Un léger rire j’échangeais avec elle que Shawn se prenait déjà une pique indirecte dans son dos.
Comme quoi les bonnes vieilles habitudes ne changent pas si facilement.

J’engageais la conversation en lui demandant où commencer; quelles seraient mes responsabilités ainsi que les attentes que le refuge avait pour moi.

Apparemment, nous avions déjà le droit de nous tutoyer, j’hochais la tête par principe.

Je ne comprenais pas trop; Violette semblait vouloir m’aider. Elle soulignait le fait que je pouvais lui poser des questions. Exprimer mes malaises surtout.
Je pouvais faire ça ?
J’en dissociais légèrement que je hochais la tête, ayant le regard un peu lointain. J’écoutais, sans trop comprendre, réellement; tellement de mots découlaient de sa bouche, la traduction et ses propos me perturbaient et allaient trop vite pour moi.
Elle me demandait si tout me convenait pour l’instant et si j’avais des questions, je hochais doucement la tête avant de prétendre avoir compris la fin de son discours.

« Je crois que tout va bien ! Par contre… c’est possible de parler un peu plus lentement, la prochaine fois ? Je… m’habitue fraîchement au dialecte Novabien… »

Bon, c’était un peu moins difficile que d’essayer ce qu’Elijah disait, mais au moins, j’arrivais à comprendre la base de ses dires !
Je détournais lentement mon attention vers la pièce voisine, de laquelle j’entendais des murmures que je n’arrivais pas à discerner. Gêné (peut-être également paranoïaque), je baissais lentement le regard.
Comme si je ne savais pas vraiment quoi dire.
Je croisais les bras, dans l’espoir que mon malaise passe.

« Tant qu’à travailler ici ensemble, pourquoi ne pas également faire connaissance ? Un minimum, du moins… »

Je fis signe de la main très légèrement.

« Ça fait longtemps que vo-… Ahem. Que tu travailles au refuge ? Même, plutôt, depuis quand t’intéresses-tu au métier de comportementaliste ? Enfin. »

Je secouais très légèrement la tête.

« Pardonne-moi, j’ai l’impression d’être un peu invasif de ta vie privée. N’hésite pas à me dire si une de mes questions semble déplacée. J’aime juste en savoir plus sur les gens qui m’accompagnent… »

Je n’étais pas nécessairement friand des petites conversations, mais étrangement, Violette me semblait savoir ce qu’elle faisait. Et pour bien connaître le travail d’une personne, le plus important était toujours d’aller à la source même.

C’était la première fois que nous nous rencontrions et elle était réellement familière avec moi. J’étais légèrement gêné, surtout de la tutoyer… Je suppose que le choc culturel n’était pas aussi grave que j’en avais l’impression.

Elle m’expliquait; des choses sur elle, des choses que je n’aurais jamais crues d’elle. Violette était une femme qui aimait le voyage, elle avait beaucoup d’expérience avec les Pokémon, contrairement à moi. Je trouvais cela fascinant, dans un sens; j’aurais aimé réussir autant.
Jaloux ? Probablement, un peu. Mais Violette pouvait être un bon modèle à suivre, en tous les cas.

Elle semblait être une femme heureuse. Elle émanait d’une confiance en elle; c’était difficile pour moi de savoir si c’était un acte. Il n’y avait aucune faiblesse visible, elle était en total contrôle d’elle-même.
Impressionnant.

Je l’écoutais sans rien dire, je ne voulais pas l’interrompre. Je n’ai jamais été très friand des discussions. Mais Violette me demandait de partager avec elle.

Je m’inclinais très légèrement pour masquer mes joues rougies par la gêne, signe que je venais brièvement m’excuser.

« Je n’ai pas un parcours aussi impressionnant que toi. »

Je dégageais une mèche de cheveux de mon front, relevant les yeux directement sur elle.

« Tout comme tu es passionnée par le comportement des Pokémon, je suis plutôt passionné par la littérature. J’écris et je lis… depuis aussi loin que je me rappelle. Enfin, j’essaie de ne pas trop m’en rappeler. J’écris, juste. C’est un échappatoire… »

Je soupirais légèrement.

« Dommage que le dialecte Johtoïte et le dialecte Novabien soient complètement différents. C’est difficile pour moi de m’exprimer comme je l’aimerais alors… Je dois me réorienter. Ça ira, je crois. Ça ne m’empêche pas d’écrire pour le plaisir. »

J’étais toujours de nature plus réaliste. Certains diraient pessimiste, je trouvais cela assez ardu comme mot. J’abaissais les yeux.

« Je ne te cacherai pas que cette conversation me tend; je crois savoir ce que tu sais. Ils t’ont sûrement prévenu pour moi. Je ne te veux pas de mal, sauf si tu m’en donnes raison du contraire. J’essaie… très fort. De m’intégrer aux autres. Ce n’est pas partie gagnée, je te dirais que je ne pense pas comme les autres. »

Elle m’écoutait, presqu’attentivement. Ça me fascinait.

« Je fais du progrès, tu sais ? Avec mon intervenant. Enfin. ‘’Intervenant’’, c’est une drôle de situation. Il est gentil avec moi, on est… proches… C’est quelqu’un qui….compte….beaucoup….pour……….moi. »

Ma voix s’abaissait jusqu’à en devenir relativement silencieuse. Simplement parce que la gêne prenait le meilleur de moi. Je sentais mes joues s’empourprer alors que je venais éclaircir ma gorge pour passer à un autre appel, et au plus vite.

« Bref, assez avec ces sentiments juvéniles. Quelles sont nos tâches aujourd’hui ? »

De mon sac, Hanayo venait faire dépasser sa petite tête douce pour regarder ce qui se passait autour d’elle.
Évidemment qu’elle était venue avec moi. Sa douce odeur avait des propriétés aromathérapeutiques, après tout. Ça avait tendance à faire effet assez vite avec moi.

« Oh, je ne vous ai pas présentées… »

Je venais ouvrir mon sac pour permettre à ma Doudouvet de découvrir le monde. Elle venait flotter joyeusement autour de Violette, comme pour l’analyser et l’observer.

« Voici Hanayo, ce sera ma compagne pour aujourd’hui. J’espère que cela ne te dérange pas… Elle est très sage. »

Rapidement, Hanayo se mit à frotter son duvet contre les joues de Violette, signe qu’elle lui faisait des câlins. Elle semblait l’apprécier.

« …à ses heures, évidemment. Doucement, Pana… »

Pourquoi je fais ça ?
M’ouvrir. Chercher à m’intégrer aux autres. Avoir un travail. Tendre désespérément la main vers ma liberté.
Pour moi ? Pour Elijah ? Je l’ignore. Car en faisant des efforts, je peux vivre chez lui, je peux prendre le transport en commun, je peux aller par moi-même au commerce de proximité Kantonais de Roquarelle… Ah. Pas qu’Elijah n’a aucune idée de ce qu’il achète dans l’épicerie, hein, c’est juste… la différence culturelle qui parle, parfois.

Je ne sais pas pourquoi je tente de faire connaissance avec elle, Violette. Une partie de moi me dit qu’elle ne fait ça que par pitié, ça ferait du sens. Peu importe. Je rougis un peu lorsqu’elle me demandait le genre de littérature qui ravivait ma flamme, je m’empressais de tirer le bras vers mon sac pour lui montrer la page couverture de ma lecture du moment.

« J’aime beaucoup les thrillers et les romans d’horreur psychologique. Je lis quelques mangas à mes heures perdues, mais je suis assez difficile pour ce qui est du style visuel qui l’accompagne. Si je peux me permettre une recommandation, celui-ci est excellent. Enfin… si tu aimes l’horreur, ceci dit. Si tu as l’estomac sensible, par contre, c’est un peu graphique… »

Tu sonnes comme un psychopathe, Michi.
Non. La violence ne me fait plus rien, c’est tout : c’est complètement banal pour moi. À force d’y avoir été exposé à l’asile… Mais je comprends que c’est encore ‘squishy’, comme Elijah dirait, pour certains.
Après avoir pris tout mon courage à deux mains, j’ai mis toutes les formalités et les politesses de côté pour relever les yeux sur mon interlocutrice. Et je l’observe attentivement; ses cheveux sont roux, à elle aussi, ce qui m’arrache un sourire. De grands yeux bleus, des boucles d’oreilles et des perçages, du maquillage. Violette a son style bien à elle; vêtue de noire, je crois qu’elle effraierait les gens de Rosalia. Je crois qu’on la traiterait de rebelle ou de dévergondée.
Moi ? J’aime bien. Nous ne sommes pas si différents l’un de l’autre, au final.

« …Pardon, si c’est déplacé. J’aime bien ton style vestimentaire. »

La question me titille; possède-t-elle des tatouages ? Je ne connais personne d’autre qui en a, à ma grande surprise. Mais je crois qu’il est trop tôt pour avoir ce genre de conversation; les tatouages, pour moi, c’est une conversation plus intime.

Je confie ma crainte à Violette, qu’elle me console en me disant que nous sommes sur un pied d’égalité. Elle me met en charge de lui confier mes craintes, limites et besoins. C’est une tâche difficile; je n’ai pas l’habitude de demander ou déranger, je suppose qu’il s’agira d’un défi pour moi.
Je suppose que c’est pour ça que je saute souvent à la violence et l’agressivité.

« Je tâcherai de te laisser savoir, alors. »

C’est Hanayo qui vient nous interrompre ; elle semble particulièrement apprécier Violette ! Après tout, cette jeune femme est naturellement attirée et passionnée par les Pokémon, ça se voit. Et si ma Doudouvet est naïve, elle n’est pas stupide.

« Tu as compris, Pana ? Tu ne dois pas t’aventurer n’importe où. Alors tes mauvais coups, tu peux attendre à ce soir pour les faire, d’accord ? »

J’attrape la petite créature de coton pour venir la serrer doucement dans mes bras, avant de frotter mon front contre le sien et lui marmonner.

« De toute façon, c’est beaucoup plus drôle lorsque tu fais des farces à Elijah, non ? ~ »

Hanayo laisse échapper un petit ricanement alors que je viens doucement l’aider à se propulser dans les airs, un petit jeu que nous aimons particulièrement. Après tout, les plafonds de la maison d’Elijah sont assez hauts : parfait pour lui permettre de planer en hauteur !

« Je te suis, Violette. »

Nous passons devant le bureau de Shawn, duquel submergeait timidement un Ponyta de Galar qui semble réservé. Je rougis légèrement avec un mouvement de recul, comme si je ne me juge pas digne, ou comme si j’ai peur que mon énergie néfaste ne repousse le Pokémon.

« Pardon, je ne veux pas déranger… »

Mais à la moindre attente, un petit courant de vent féérique semble délicatement venir me pousser vers le poulain, sans être assez brusque pour effrayer le Pokémon. Juste assez pour le surprendre et dévier son attention vers moi.
Le regard du Pokémon nerveux sur moi me fait ravaler ma salive alors que je venais timidement tendre la main vers lui. Je ne sais pas trop à quoi je m’attendais…

« Bonjour, Cielo. Moi, c’est Michi. »

Je n’allais pas juger. Je suis le premier à parler avec mes Pokémon; parfois, les journées sont longues. Et que ce soit Tomo ou Furue, voire même Hanayo, j’ai l’impression que discuter avec eux m’a rapproché énormément.

Au moins, je n’ai pas fait fuir le poulain, même si l’attention accordée n’était que trop brève. C’était juste assez pour me faire sourire, et derrière moi, ma Doudouvet tournoie joyeusement. Je crois qu’elle est fière de moi !

« Je n’avais jamais vu ce type de Ponyta en vrai, avant… Comment vous êtes-vous rencontrés, lui et toi ? »