Un proverbe m’a déjà dit « C’est de la confiance que naît la trahison. »

Et c’était bien ce que j’en pensais. Assis devant le grand écran plat d’Elijah, je suivais assidument les nouvelles du jour; la potentielle destruction de l’arène de Delphine ainsi que d’une bonne partie de Port-Wisteria.
Les événements étaient tragiques. Beaucoup de morts, beaucoup de dommages, je pensais qu’il s’agissait ici du tout premier gros événement destructeur pouvant marquer l’Histoire de Novabi. Mais moi ? Ce n’était pas vraiment ça, mon plus grand souci.

C’était l’implication d’Elijah.
Ou plutôt, le titre d’Elijah.
Parce que pour une fois, j’avais entendu les reporters à la télé dire ‘Officier Lawrence’.
Il m’avait dupé et je ne m’en étais pas rendu compte. Et j’avais relié les points; Elijah n’était pas un intervenant, il était un policier travaillant pour l’Organisation. Son premier but ? Me surveiller, sans doute.

Je me sentais étrange.
Comme si on m’avait poignardé dans le dos, directement au cœur. J’avais mal, une anxiété passagère m’agaçait. Je soupirais.

Sombre idiot que j’étais, qu’est-ce que je faisais ?

J’avais volé les clés d’Elijah et j’étais parti à la pharmacie la plus proche. De l’onguent antiseptique et du gel d’aloès devrait faire l’affaire pour guérir ses brûlures, et puis, les bandages garderaient tout en place.
J’allais l’aider, puis après ?

Après, il n’entendrait plus jamais parler de moi.
Je n’aime pas le mensonge. Surtout d’une personne que j’estimais autant…

…mais qu’est-ce que je raconte ?

Penché au-dessus de mon Pokébowl, je venais me cogner la tête contre la table de la cuisine dans une plainte vocale. Mes pensées se bousculaient dans mon crâne, enfermées, alors qu’elles n’avaient qu’un seul objectif : trouver une issue de secours. Je n’avais franchement aucune idée de comment j’allais réagir.
Parce que même si j’étais fâché, une partie de moi s’inquiétait pour Elijah.
Parce que même si je lui en voulais, je me voyais ouvert à l’écouter.
Je me disais… qu’il y avait une raison.

Peut-être que j’en espérais trop de lui.

Le temps passait, que j’avais presque terminé de manger. Je pouvais entendre la porte de l’entrée se refermer, qu’Hanayo se dirigeait rapidement en cette direction pour accueillir l’instigateur de mes émotions étranges à la maison.

Il n’était pas aussi rapide que d’habitude.
La fatigue ? Probablement.

Il toquait au cadre de la porte, prononçant mon nom, que je pouvais ressentir une vive rage me prendre directement au ventre.
Ça ne se passait pas comme prévu.
Sans même lui adresser un regard, sourcils froncés, l’outil le plus lançable à ma disposition n’était nulle autre que la paire de baguettes avec laquelle je mangeais. Et bien évidemment, Elijah les avait vues de près, ces baguettes.

« Où étais-tu ? »

Je prenais appui contre mes coudes, sur la table.
Oh, il s’agissait d’un large manque de politesse, à Johto, certes. Mais j’avais un peu trop de choses à dire et surtout, à digérer. Et alors que je le voyais prendre place devant moi, en rouspétant, mes sombres améthystes déviaient lentement sur lui.

« Tu es content ? T’as sauvé la situation comme tu l’intentais, Officier Lawrence ? »

Un rire froid venait traduire mon état d’esprit alors que je repoussais ce qu’il restait de mon repas devant moi.
Ma colère m’avait coupé l’appétit.

« Je t’ai vu à la télé, bravo pour tes actes héroïques, je suppose. J’imagine que ce n’est pas le premier ni le seul mensonge que tu m’as raconté. Au passage, tu sens mauvais. Le retournement d’égout, la transpiration et la fumée. »

Je repoussais ma chaise que je me relevais de la table.

« J’ai l’appétit coupé. »

Pour me diriger vers la salle de bain.
Et je savais qu’Elijah me suivrait, malgré tout.

Lui aussi, il était en colère. Je pouvais le sentir, le remarquer, dans la façon dont il me répondait. Je venais ricaner froidement alors que je relevais les yeux vers lui, pour me lancer vers une petite escapade à la salle de bain.

« Tu as choisi d’être policier. Et tu as choisi de me le cacher, aussi… »

Mais quand j’étais dans le couloir, en direction de la salle de bain, je n’entendais que ses pas précipités qui s’approchaient sans doute trop rapidement pour moi. Je sentais sa main agripper mon maigre poignet pour me faire valser, me neutralisant dans ma lancée.
C’était juste assez pour venir déclencher quelque chose en moi.
Et comme un Ponchiot apeuré, mon premier réflexe fut de tenter de me défaire de son emprise en tirant mon poignet vers moi.

« Lâche-moi, Elijah !! »

Je ne m’étais pas fait prier.
Et rapidement, j’eus un mouvement de recul. En cherchant à garder mes mains pour moi. J’étais secoué.
Lui aussi.
Mais sa demande m’avait pris de court; il voulait m’expliquer.

J’hésitais, longuement. Je laissais le temps à mon petit cœur de reprendre son rythme normal. Je l’avais laissé languir pendant quelques instants au milieu du couloir. Et je soupirais légèrement.

« …assois-toi sur le bord du bain, je m’occupe de ta brûlure. »

Car, le plan original, c’était ça.
Je m’occupe de sa brûlure, et puis, je rentre chez moi.
Je ne savais pas trop encore comment, mais je trouverais un moyen de me rendre à Sinnith. Je ne pouvais pas rester ici.
Je ne vois pas comment je pouvais rester aux côtés d’une personne qui avait profité de ma confiance.

Je venais le guider, en gardant une certaine distance. Et il avait fait tout ce que je lui avais demandé de faire. Il s’était assis, il avait retiré ses vêtements du haut. Et sans question, sans discussion, j’observais la plaie. Et je soupirais.

« Ça aurait pu être pire, mais tu restes brûlé au second degré. Laisse-moi faire… »

L’avantage de savoir prendre soin de soi, c’était de connaître les premiers soins.
Je commençais par mouiller une compresse avec de l’eau froide, que je venais appliquer sur son bras.
J’étais près de lui, et je pouvais sentir son regard soutenu sur moi. Un regard qui me faisait froncer les sourcils alors que je relevais mes mirettes vers les siennes.

« …ne prends pas ça pour acquis, Elijah. Je sais que si je ne m’occupe pas de ta blessure, tu ne le feras pas et ça va s’infecter. »

Ma voix qui était comme un couteau.
Je pouvais sentir une forme de déception.

Je n’allais quand même pas lui dire qu’il était spécial.
Même si… c’était le cas.

« Alors, tu m’expliques, ou tu me regardes faire ? »

Mon rappel à l’ordre m’arrachait un lourd soupir, alors que j’abaissais la tête.

« C’est maintenant ou jamais, car dès que j’ai fini, je retourne à Sinnith. Je pense que c’est mieux comme ça... »

Pourquoi pas les deux ?
Je roulais les yeux. Il était idiot, à ses heures, Elijah. Je m’en rendais compte.
Je soupirais lourdement que je continuais d’appliquer les compresses d’eau froide sur sa brûlure. Elle était tellement vive, aucun doute qu’Elijah se plaignait ainsi lorsqu’il sentait la compresse contre la blessure.

Je ne répondais pas à sa remarque; je ne justifiais pas nécessaire de le faire. Mais par la suite, c’était ma déclaration qui semblait le prendre de court.
J’allais retourner à Sinnith. Ma décision était prise.
Et je ne reverrais plus jamais Elijah de toute ma vie.

Évidemment, il n’était pas d’accord. Je n’arrivais pas à comprendre pourquoi; il venait initier le contact physique avec moi, sachant très bien qu’il me prenait de court. Je pouvais sentir mon corps se crisper, alors qu’il me demandait si j’en étais certain.

« …ça a duré trois semaines de trop, ce petit manège. Ça ne peut pas être bon pour nous… Après tout… »

Je soupirais.
Ça me faisait de la peine de lui dire ça.
Mais je n’avais pas le choix; je devais me protéger. Protéger mes émotions et surtout, éviter d’avoir mal à nouveau. Éviter de me faire de faux espoirs.
Parce que de tous les gens en qui j’avais confiance, jamais je n’aurais cru qu’Elijah serait celui à me poignarder dans le dos.

« …un policier ne doit pas avoir une amitié avec un détenu. Ce serait immoral… »

Je resserrais ma main contre la compresse, mais en me rendant compte de mon geste, je me retirais.
Je pris une grande inspiration que j’avais pris le gel d’aloès pour commencer à le lui appliquer, m’assurant de bien la faire pénétrer dans chaque racoin de sa blessure. Un léger silence planait, que je reprenais ma conversation.

« Je sais… que c’est tout ce que je suis, Elijah. Un détenu. J’imagine qu’on t’a donné des gros sous pour que tu corriges mon comportement, et une fois que tu auras terminé tout ça, on ne se reparlera plus. La seule chose… c’est… que…. »

C’était difficile à dire.
J’avais envie de lui faire mal.
Juste pour qu’il comprenne comment MOI, je me sentais. Suite à sa trahison et son mensonge.

« …Tu m’as fait croire qu’il y avait vraiment de l’espoir et j’en ai oublié que tu étais payé pour ça. Au final, t’es juste comme les autres. T’es là pour me surveiller et me changer… »

Je me retirais pour venir lui appliquer l’onguent antiseptique, alors que j’étouffais mes pensées intrusives dans un coin de ma tête.
Je devais me contrôler, malgré tout.
Même si j’avais envie de l’entendre agoniser, une partie de moi s’inquiéter tout de même pour Elijah.

« Je pense que c’est mieux que je parte et qu’on ne se revoit plus jamais, parce que tu m’as blessé en me cachant des choses. En me vendant un rêve qui n’existe même pas… Et en me donnant des faux espoirs de réellement compter pour quelqu’un. Je… »

Je me mordais les joues.

« Je crois que je t’en veux. »

Alors que je venais terminer en enroulant la blessure dans un bandage.
Et ainsi, c’était terminé. Je marquais une pause, comme pour hésiter. Mais j’avais fini par me relever.

« Merci pour ce que tu as fait. »

…croyez-moi, je sais.
Je ne suis pas toujours facile. Mais je ne pouvais pas me permettre ça.
Je ne pouvais pas me permettre de ressentir des choses à sens unique, sous peine de moi-même terminer brûlé. Et si ça se trouve, peut-être était-ce une méthode de manipulation qui m’était passée sous les yeux.
Peut-être qu’il me forçait à me soumettre en me promettant mont et merveilles.
En me promettant protection et douceur. Je l’ignorais.
Mais… J’avais peur de ce que je ressentais pour cet homme.

Malgré tout, je m’étais attaché à lui. Et je n’aimais pas ça.

Je n’ai rien d’un dangereux criminel.
J’avais l’impression qu’il s’agissait d’un bête mensonge, et étrangement, je voulais y croire.
Je voulais tellement y croire que ça me faisait mal.

Mais… les faits, eux ?
Je baissais les yeux. J’étais mitigé; croire la personne qui m’avait menti, ou croire mon propre instinct. Celui qui me disait qu’Elijah…
Elijah était plus qu’une brute épaisse.

Je pouvais sentir la pointe d’émotion faire trembler sa voix alors qu’il niait mes faits.
Il niait que je pouvais partir. Ou du moins, il ne voulait pas me laisser partir. J’ignorais.

Mais j’allais prendre la porte.
Avant qu’il ne me coince.

J’espérais tellement qu’il me coince. Qu’il me prouve tord.
Je clignais des yeux, regard rivé en le sien, alors qu’il me sermonnait. Je n’avais pas le droit de partir, de retourner à Sinnith, parce que ma place, elle était ici.
Avec lui.

Sonné, je buvais ses paroles comme de l’eau, attentif à ce qu’il pouvait me dire. Je venais glisser mes mains contre ses poignets, montant jusqu’aux siennes.
Donc… Il avait retrouvé une lueur d’espoir à Novabi ? Et c’était moi ?

Peut-être que ça expliquait ces trois semaines. Ces faveurs qu’il me rendait. La façon dont il tentait bien comme mal de m’offrir une vie moindrement normale.

Je venais étouffer un soupir alors que je regardais attentivement Elijah.
Je n’arrivais pas à répondre concrètement. Que devais-je lui dire ?

Parce qu’au fond, je ressentais la même chose que lui. Et que pour une fois, être coincé à la merci d’une autre personne, ça ne me dérangeait pas.

Je le regardais attentivement, mon regard plongé dans le sien. Je recherchais bien comme mal sa sincérité, qui était en réalité plutôt facile à trouver. Je n’arrivais pas vraiment à comprendre.
Mais je savais ce que je voulais. Il fallait juste que…

« Embrasse-moi. »

C’était radical, comme question, sans doute. Mais de là, je voulais voir s’il se fichait de moi, ou s’il ressentait réellement quelque chose.
Et si je venais légèrement resserrer mes mains contre les siennes, mon regard se faisait plus insistant.

« S’il te plaît. Que j’en aie le cœur net… »

Je n’avais jamais vraiment été friand des contacts humains.
Pas depuis qu’on avait souillé mon corps à des fins vicieux.
Mais Elijah ? Si, au départ, il me dérangeait. Mais aujourd’hui, il me prouvait que j’avais tord. Il ne m’avait pas menti.

Je découvrais ici l’une des plus sincères douceurs de cet homme.
Un côté vulnérable.

Je n’avais jamais vu Elijah sous cet angle. Lui qui était sévère, stoïque. Aujourd’hui, j’observais un homme qui m’accordait l’attention dont j’ignorais avoir besoin.
Une douce caresse au visage, qui repoussait mes cheveux pour m’accorder ce que je n’avais jamais eu la chance d’expérimenter; un baiser sincère.

Puis deux. Puis lorsqu’il m’agrippait par la nuque pour me tenir un peu trop près de lui, je sentis une vive panique se prendre à moi.
J’oubliais un certain détail.
Un secret, que moi aussi, je lui avais caché.

Je pouvais sentir mes joues brûler alors que je me détachais de ce contact. Peut-être, avec un peu de chance, je n’aurais pas à lui dire ? Je débattais longuement dans ma tête, pour tomber sur un roux un peu confus du pourquoi j’avais coupé ce premier baiser.
Je lui adressais un sourire gêné ainsi qu’un rire taquin.

« Tu sens toujours aussi mauvais que tout à l’heure ~ »

Je pouvais voir l’embarras déformer son expression, ce que je trouvais très mignon, d’ailleurs. Il s’excusait, et semblait vouloir prendre une douche.
En me traînant avec lui dans la salle de bain.

…comment dire.

« A-Ah. »

Je ricanais légèrement, en bloquant dans le cadre de la porte.

« Je me suis douché ce matin, mais je peux t’attendre, si tu veux… »

Au final ? Il avait raison.
Je n’allais nulle part. Comme quoi un baiser peut tout pardonner, dans un sens.
En fait, j’essayais surtout d’acheter du temps afin d’éviter de dire les vraies choses à Elijah; que je n’étais pas tout à fait ce à quoi il s’attendait.
…et, pourquoi je m’inquiétais pour ça ? Non, même, pourquoi j'avais ce genre de pensées impures ?! On n’avait pas encore complètement confié nos sentiments, donc…
Donc…
On s’était seulement embrassés. Qu’est-ce que ça voulait dire ?
Honte à moi !!

Pendant qu’Elijah était sous la douche, mes pensées se bousculaient à nouveau dans ma tête. J’étais de retour à la case départ, et ça me frustrait. J’en avais même terminé mon Pokébowl abandonné de tout à l’heure, tellement j’étais nerveux.
J’entendais des pas dans le couloir. Et quand je voyais Elijah seulement vêtu d’une serviette au niveau de ses hanches, les rougeurs me prenaient tellement que je n’arrivais plus à parler notre dialecte commun.

« Je…euh… hm… ah… »

Je respirais. Par le nez.

« …Je pense que tu dois aller te reposer. Tu… as fait attention de ne pas mouiller ton bandage, non ? »

Évidemment qu’il n’avait pas fait attention à son pansement, je n’étais pas plus surpris. J’en soupirais très légèrement, avant de m’approcher de lui.

« Je t’en referai un, mais tu dois être prudent. »

Je sentais une drôle de question lui brûler les lèvres. Il hésitait, et moi, je venais l’inciter à poursuivre la discussion. Puis comme je le pensais…
…il me demandait quelque chose qui me prenait de court. Et je haussais les épaules.

« Je n’ai pas de famille. »

C’était ma première réponse, sèche et directe. Non, car l’entièreté du clan Shinguji m’avait rejeté. Ils étaient morts pour moi la seconde où ils m’avaient laissé moisir dans une soit disant facilité de psychiatrie sans rien dire. Alors, depuis ? C’était moi contre le reste de l’univers.
Le problème n’était pas là. C’était autre chose.

« C’est un peu plus compliqué que ça. Je n’ai jamais vraiment eu d’attirance pour les autres… en fait, l’être humain m’écœure, tout simplement. »

C’était un peu radical, mais c’était la vérité. Si les choses continuaient avec Elijah, il y aurait sans doute un léger temps d’adaptation…

« C’est juste… Laisse, en fait. Ce n’est rien. »

Je relevais lentement les yeux vers lui, adressant une brève confusion alors que j’écartais les lèvres pour lui poser une simple question.

« Je te demanderai une seule fois. Qu’est-ce que tu espères de moi, Elijah ? Avec… l’insistance que tu as pour que je reste ici, avec toi… Ce baiser. Qu’est-ce que ça signifie, pour toi ? »

Je rangeais ma vaisselle sale, la rinçant vite fait, avant de dévier les yeux vers lui.

« Si tu veux un ami avec des bénéfices… Ce n’est pas le genre de relation que je recherche, mettons ça au clair. »

…c’était difficile, pour moi.
De vraiment lui dire comment je me sentais. Faire le premier pas.
Je me disais que c’était peut-être à lui de le faire.

Il ne comprenait pas vraiment.
Après, heureusement pour lui, il était dans un extrême du spectre du genre. Il ne se posait pas autant de questions que moi…
C’était un éternel questionnement.
Aimais-je les hommes ou les femmes ? Répondre ‘aucun des deux’ semblait être une option sure. Alors que pourtant, je me retrouvais à avoir un petit crush secret sur Elijah.
Sans m’en rendre compte, il devenait ma personne favorite.

Il ne comprenait pas où je voulais en venir lorsque je disais que je n’avais pas de famille; pourtant, je ne comprenais pas ce qu’il y avait à expliquer.
Mes parents m’avaient enterré lorsque je n’étais pas mort.
Ils ne méritaient pas d’être endeuillés, alors, je les ai tués dans ma tête.

Elijah mettait les cartes sur la table et je pouvais le lire avec la façon dont il me touchait. Il était célibataire, homosexuel et visiblement à la recherche d’une relation stable. Il disait que c’était trop tôt pour les grandes déclarations, moi, je ne trouvais pas.
S’il avait le béguin pour moi, je voulais l’entendre. Peut-être n’avions-nous pas le même langage amoureux ? Il était très physique avec moi, et pourtant, ce frisson que je ressentais le long de mon échine n’était pas désagréable.

C’était un frisson d’envie.

Je pouvais sentir son corps contre le mien, son souffle contre ma peau, ses doigts s’emmêler aux miens.
Un simple contact qui sous-entendait pourtant quelque chose de beaucoup plus vigoureux, qui éveillait un besoin que je n’avais jamais ressenti en moi.
Je pouvais sentir mes joues rougir légèrement alors que je me penchais contre son oreille.

« Dis-le moi, alors. Ce que tu ressens… je veux l’entendre, clairement. »

Et je venais doucement dévier mes mirettes sur lui, un très léger sourire effleurant mes lèvres. Je profitais de la temporaire hauteur que m’accordait le comptoir pour venir embrasser le bout du nez d’Elijah, que j’abaissais les yeux légèrement.

« Je dois te confier un secret, Elijah. Sans doute mon plus grand, d’ailleurs… Tu me promets que tu ne fuiras pas ? »

cw; mention de contenu explicite

Il n’osait pas me le dire ?
Bon, tant pis, ce serait un peu différent que j’aurais prévu. Peut-être qu’Elijah fuyait simplement la responsabilité plus facilement que moi. Je n’avais jamais été en couple, auparavant, et jamais il n’avait été dans mes plans de l’être.

Alors… peut-être que c’était simplement l’exception qui confirmait la règle ?
Du moins, je me sentais assez en sécurité pour lui confier ce dit secret qui me pesait sur les épaules, ce qui était définitif de la suite des choses. Et après sa promesse, qu’il ait assuré d’emporter ma confiance dans sa tombe, je me penchais contre lui pour venir lui souffler une confidence à son oreille.
De simples paroles qui résumaient l’entièreté des obstacles de ma vie.
Trois mots qui expliquaient tout.

Et malgré la surprise, il semblait bien l’avoir pris.

⋅•⋅⊰∙∘☽༓☾∘∙⊱⋅•⋅

Je n’avais pas vu les heures passer.
C’était l’avantage de passer la soirée à découvrir une personne pour la première fois. Et malgré l’envie, c’était Elijah qui était tombé sous l’épuisement. Je ne pouvais pas le blâmer, avec la journée qu’il avait eue.

Je n’avais jamais imaginé un jour me retrouver dans la chambre d’une autre personne. D’être en contact avec des couvertures dans lesquelles je n’avais jamais dormi, les sentir sur directement ma peau.

C’était beaucoup moins désagréable que dans mes souvenirs, bien que je faisais confiance à l’homme qui était allongé à côté de moi. Pourtant, je trouvais moyen d’être complètement éveillé, le regard rivé au plafond.
Je n’arrivais pas à fermer l’œil.

Était-ce cause du stress qui retombait ?

Je me retournais pour regarder Elijah qui dormait. Le voir aussi paisible, à son était le plus vulnérable, c’était franchement différent de son habitude. J’avais la vague envie de venir jouer dans ses bouclettes rousses qui venaient déranger son visage.
Il était franchement mignon, comme ça.

Je remarquais qu’il avait ouvert un œil, j’en rougis un peu alors que je me retirais pour ne pas le déranger.

« Pardon… »

Comme si je le dérangeais.
Nous venions juste de se mettre à nu, littéralement. Et d’être au summum de l’intimité, également. Une simple caresse dans ses cheveux ne pouvait pas le déranger tant que ça…

Je venais doucement me glisser sous la couette, face à lui, afin de le regarder dans les yeux.

« Ta brûlure, elle te fait mal ? Je peux t’appliquer de l’onguent si tu sens que ça démange… »

C’était idiot de m’inquiéter autant.
Mais moi aussi, je pouvais me montrer à mon plus vulnérable. Et alors que je cherchais doucement ses mains, je tentais de lui offrir le plus beau cadeau : ma confiance.

« Dis-moi… qu’est-ce que ça fait de nous, Elijah ? Tu ne m’as pas dit, tout à l’heure… »

Je t’en supplie.
Ne me donne pas l’impression de me tromper…

Une étreinte qui se voulait douce et rassurante. Comme si, dans les bras d’Elijah, le reste du monde n’existait pas.
C’était juste lui et moi.

Dire que j’allais passer à côté de ça ?

Je faisais tout de même attention pour ne pas trop brusquer sa plaie. Je ne l’oubliais pas, et je veillais à ce qu’il y fasse tout aussi attention pour éviter une infection. Il semblait accepter que je remette de l’onguent, ce que je faisais après m’être assis. La semi-pénombre à laquelle nos yeux s’étaient ajustés, légèrement troublée par la lueur des lampadaires dehors, me montrait Elijah sous la plus grande des vulnérabilités.
Une vision qui se voulait unique.

Je lui appliquais à nouveau l’antiseptique, que je venais lui voler un très léger baiser avant de reprendre ma place sous la couette.

« Et si mon cœur désire… De faire une exception pour toi, Elijah ? »

Doucement, je tendais les mains pour venir lui prendre les joues et le regarder directement dans les yeux.

« Parce que je crois… que tu es la personne que je déteste le moins. Et que je t’aime un peu plus à chaque fois qu’on passe du temps ensemble. »

Gêné, je venais me cacher au creux de son cou. Je pouvais sentir mes joues brûler.
Était-ce ça, d’aimer quelqu’un ?
Si c’était le cas, alors, je voulais ressentir ça infiniment.

Je pense que j’ai enfin trouvé ce que je cherchais.
Je pense que j’ai enfin fait la paix avec le fait d’avoir un partenaire, et d’aimer une personne.

Elijah Gregory Lawrence était officiellement mon petit ami.
Contre toute attente, bien franchement…
Mais j’en étais à ce point. Et ça me plaisait grandement.